Traduire un silence

1 - « L’écriture nous procure une certaine existence » 

Conversation : Poète et romancier, Iris (Mohand-Lyazid Chibout) est un auteur singulier. Dans cet entretien, il nous parle des ses livres et de sa conception de la littérature.
S’exprimant sur ses livres, Mohand-Lyazid Chibout, qui prépare un troisième roman, La finitude, dira : «Traduire un silence est celui écrit d’une plume sombre et à l’ombre de tout, et Amoureux-nés, celui venu à la rescousse du premier en lui léguant tout l’espoir allant de pair avec le goût de la vie. En gros, les deux traitent du même sujet mais différemment élaboré : l’existence humaine, l’absurdité des mots qu’on s’attribue alors que le vécu n’est entre autres que celui frôlé par l’inconscient au moment de nos crises morales et d’angoisse tenace. »
Dans Traduire un silence, explique-t-il, l’histoire se déroule en soi et avec des paniques intérieures s’abreuvant des soucis fortement ressentis en l’absence de sa moitié, Kahina, sa muse que Yuba vénère même en fermant les yeux. Tout le malaise psychologique venait du fait de reporter, sans le vouloir, aux lendemains, pourtant incertains, les attentes censées être vécues dans le présent. D’où cette peur de tout perdre en tombant dans la résorption venant par degrés nous avilir. En associant le « je » à la narration, le « moi » erre sans but précis et d’un pas hasardé tout en se confrontant à la vie quotidienne, à ses aléas, aux mensonges gratuits de la politique du piètre système en place… Et de poursuivre : « Amoureux-néss’associe à l’amour dans tout son concret et avec toutes les liaisons qui semblaient être voilées et interdites par la non-libération des mœurs, ces dernières confisquées, voire endoctrinées par le manque d’éducation allant toujours à l’encontre de notre évolution et résolution. Mélyssa et Micipsa ont su trouver le point commun agissant en parfaite osmose quand plongés, séparément, dans le désespoir, l’espoir venait les motiver et ils voyaient en leur union le seul but les ayant vus naître et ce, malgré l’instabilité sur tous les plans économiques et sociaux, et écologiques et familiaux. Tout le mal venait, bien sûr, du fait que notre société moderne est mal organisée, ce qui a engendré individualisme et égoïsme, d’où cette disposition morale non conforme. »
A la question de la littérature algérienne actuelle, il dira qu’elle est toujours aussi florissante… De nouvelles plumes émergent et la richesse des trois couleurs du verbe ne fait qu’honorer l’aspect timide des années de plomb. Mais le mieux est d’encourager la nôtre, notre culture, notre langue amazighe en soulevant dans l’intérêt la pierre qui nous étouffe et voir dans nos reflets ce qui nous empêche vraiment d’avancer. Notre position actuelle est doublement sceptique et il faut s’ancrer dans un optimisme présent tourné vers un avenir prometteur si nous souhaitons que la génération de demain ne regrette pas sa mise au monde. Le devoir qui s’impose est celui de l’arrimage de toutes les tendances œuvrant pour la cause commune… Le fruit du rosier a toujours été une rose, lui greffer un plant d’une autre nature, cela n’engendrera que la dénaturation ! In InfoSoir (DzLitt) & Bouillon de culture

2 - Les mots pour se consoler

C’est un livre qui cherche la signification de l’existence que vient d’écrire Iris (nom d’auteur de Lyazid Chibout) ; le roman sert souvent de support aux quêtes multiples de l’homme. Publié en France aux éditions Sefraber, «Traduire un silence» est une œuvre porteuse de profondeur et de signes annonciateurs de livres à venir. Deux âmes féminines, Kahina et Tiziri servent de miroir pour donner à voir l’avancée des jours, le temps qui s’enfuit. La vie paraît parfois étrange à ceux qui prennent du recul pour analyser le déferlement ininterrompu des événements. « Le roman se nourrit d’un manque », estime Iris. Passager sur terre, l’homme va de pérégrination en pérégrination avant de se demander si tout cela n’est pas vain ; l’amour diminue un tant soit peu l’absurdité du monde mais il n’est pas toujours éternel ; l’amour véritable est souvent difficile à trouver.
Il est question dans « Traduire un silence » d’angoisses permanentes, de recherche éperdue d’amour. Ce texte de fiction n’a pas de fin, selon son auteur ; les mots butent contre l’incertitude de soi et la complexité de l’autre. La présence de l’autre n’est pas toujours amicale quand on ne tente pas de se comprendre ; quand la tolérance et le dialogue sont absents.
Ce livre se nourrit ainsi d’un certain manque mais il n’est pas dénué d’espoir. « La vie nous prive de tant de choses, par le verbe on espère tomber dans ces apprivoisements, ces accoutumances nous invitant à frôler l’idéal tout en laissant perplexe sa réalité falote, car écrire est une chose et vivre autrement en est une autre », souligne Iris. Les maux font souvent naître les mots ; le verbe peut parfois apporter une forme de consolation. On s’en rend compte en lisant « Traduire un silence ».
« Toute ouverture dans le sens à nous enrichir est la bienvenue. La diversité a toujours apporté des points positifs. S’ouvrir et se laisser découvrir permettent à l’esprit de franchir les barrières jalonnées par l’interdit et aussi s’armer face à la philosophie de la vie », confie Iris. Né dans la région de Chemini, pas loin de cette fertile vallée de la Soummam, Lyazid Chibout estime que l’identité a un visage et un nom ; l’identité est pour lui concrète.
Avec un œil observateur, l’écrivain raconte des errances psychologiques que les interminables métamorphoses de l’époque moderne n’arrêtent pas de générer. Iris écrit quand il tombe en compassion avec lui-même ; ses créations font partie de lui, s’ouvrent dans le noir des jours ordinaires tout en recherchant la lumière.
« Traduire un silence » d’Iris. Éditions Sefraber. In TSA (Tout Sur l’Algérie) & Algérie-Maroc

3 - Mohand-Lyazid Chibout : Les mots envoûtants d’un poète sensible ! 

La poésie est le genre littéraire qui nous invite au rêve et à parcourir d’autres espaces, plus cléments, devant les difficultés multiples de la vie. Chibout est l’un des poètes qui sait envoûter par la force de ses mots simples et profonds. Contraint de quitter son pays, Chibout a souhaité s’établir en France, dans l’espoir de publier ses textes, dont le verbe est peint d’une littérature vulnérable aux débordements effrayants des nouveaux temps, des climats tendus guindés par une absence sensible de l’éthique. Des sociétés se bousculant, s’empressant à vivre dans les normes indolores du bien-être, tout en convoitant le confort moral. Cette quiétude de l’esprit, cette quête du bonheur, cette recherche du moi. Le poète sensible a préparé un master de Lettres Modernes à la Sorbonne. De son vrai nom Mohand-Lyazid Chibout, natif de la Kabylie, a poursuivi des études universitaires à Alger : les mathématiques, le journalisme et la littérature française. Il a exercé durant presque une année la fonction de journaliste correspondant dans un hebdomadaire francophone, puis il enseigne la langue française dans un collège et primaire à Chemini, son lieu de résidence, dans la vallée de la Soummam, wilaya de Béjaïa. Le regard rivé sur l’autre côté, et avec des yeux d’avenir, il espère voir un jour des fleurs pousser sur les épines. Dans Traduire un silence, une œuvre magique, Iris mène une réflexion philosophique sur le silence de tous et de tout. Il se livre à une sorte de psychanalyse dont le divan serait le livre en lui même et le psychanalyste le lecteur. Traduire un silence est un travail perpétuel, comme le dit l’auteur : «Seuls les morts dans leur silence de morts, peuvent apporter des affirmations. Seul le silence de la dernière demeure reste synonyme de chemins non sinueux». Ces passages et bien d’autres sont à lire, à relire, à décrypter sans cesse. « Quand je vois passer les jours – Sans rien en retour – Je me dis : “Au diable mon amour !” – Quand je vois refleurir les jours – Avec autant d’ardeur et d’amour – Je me dis : “ Le sublime est de retour ! “ – La vie n’est finalement que miroir – Dans la lumière ou dans le noir – Elle reflète ce qu’on projette – Ensemble, on se complète – Séparés, on végète », écrit l’artiste qui nous invite, dans ses écrits bien ficelés à un incommensurable voyage. Y a-t-il plus beau qu’un poème qui nous aide à aller de l’avant dans la vie ? In La Dépêche de Kabylie
 
4 - « Il faut en finir avec la science infuse ! »
 
La Dépêche de Kabylie Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Iris : Je suis natif d’Ait-Soula, mon village, dans la localité de Chemini à Vgayet, en Kabylie. Contraint de quitter mon pays pour la simple raison que mon verbe étouffant se sentait étouffé après de moult contacts avec des maisons d’éditions locales alléguant qu’il ne répondait pas à l’esprit de leurs maisons , d’où cet envol téméraire en sachant que la tentation de mes ailes n’était qu’à ses débuts. J’ai fait des mathématiques, du journalisme et de la littérature française à Alger et aussi j’ai parfait mes études de lettres modernes à l’université Sophia Antipolis de Nice et à la Sorbonne Nouvelle de Paris.

Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
L’idée d’écrire germait en moi déjà depuis mon adolescence et s’enracinait au fil des années qui passaient, d’où cette passion tenace accompagnant cette angoisse crispante du vide, celle de se retrouver devant des pages blanches et attendre le déclic pour permettre ainsi aux envolées lyriques de tomber en communion avec cet autre espace gobeur, plus cohérent et plus clément. Je me souviens des propos de mon père quand il répétait de dire que l’écriture est un long chemin sans fin et une couleur sans apparence qui récompensent tardivement son auteur… C’est maintenant que j’en prends réellement conscience de cette allégorie, si j’ose l’interpréter de la sorte. Je conçois à présent combien le parcours est tortueux, lugubre et d’une saveur qualifiée d’alléchante et de son contraire. L’écriture, elle est cette chose fausse qu’on croit vraie, comme elle est cette vérité qu’on nourrit de fausseté. Elle est un monde noir dans lequel s’enracinent nos idées en nous limitant à vivre dans l’absolu sans toutefois parvenir à saisir le bon sens du mauvais. Chicaner sur des mots, en galvauder pour choisir un au détriment de l’autre, c’est tenir une lanterne à la main au milieu d’un brouillard épais, la vision limitée et les pensées déchantées, pulvérisées. L’écriture est en quelque sorte comme viser l’idéal et ne jamais se satisfaire de l’incomplet, c’est ce qui nourrit son charme et pousse à persévérer dans cette irrigation sans fin et dans cette contagion sans frein des mots. La curiosité attire comme attire une lumière, cet espoir, cette ouverture au bout d’un tunnel.

Voulez-vous nous présenter cette fiction ?
Dire qu’elle est une fiction, non ! Plutôt il est un roman peint d’une réalité voilée renvoyant un certain reflet à l’image d’une ombre chinoise dans laquelle toute âme s’identifie et se reconnaît ! Le verbe que je véhicule ne frôle point la couleur commerciale… Toucher à l’universel, sans mettre des œillères à ses visions, est, je pense, le moyen de faire transcender les barrières et les jougs infranchissables. « Traduire un silence » est qualifié plutôt de roman psychologique vu l’incertitude de l’être mise d’une manière ou flagrante ou timide dans chacun de ses mots et dans laquelle le point d’interrogation est planté. Le roman parle d’une certaine histoire d’amour particulière à laquelle se livre une âme sensible et d’une manière platonique face à un être renvoyant à chaque fois une dualité de sa personne voire une duplicité de sa personne, toujours la même mais à chaque fois différente. Le « moi » impliqué est celui qui se traduit en vagabondant le pas et en se heurtant maintes fois aux aléas de la vie. La vie sociale et politique était aussi évoquée puisque on n’a pas un cœur d’airain pour ne rien ressentir face à ces oligarques pratiquant la politique de l’autruche sans être conscients de leurs responsabilités. Elle est passée où notre culture, cette tamazight tétée aux seins de nos ancêtres… Tout ce qui a été et mal fait n’est qu’un os jeté pour nous calmer. Feindre d’accepter n’est que simulacre…

Pourquoi ce titre poétique « Traduire un silence » ?
Le titre en dit long, en dénote beaucoup de choses. Il est une métaphore irisée. Se traduire a une sorte de ressenti équivoque, tantôt fidèle à soi, tantôt trahi par soi au vu et au su de tous ses mots témoins. Le silence, il est ce tambour de mots à la fois assommants et dissonants qui tombent, en chœur, dans la matrice du cœur. Se laisser guider par son verbe a une certaine signification, unique pour soi et multiple pour autrui.

Y a-t-il une part autobiographique ?
Vous savez, il y a toujours une part de soi qui est traduite sur papier, même si d’une part cela nous trahit, cela nous avilit, cela nous aigrit mais de l’autre elle nous guérit car le verbe qui accompagne toute cette écriture nous place et nous classe dans cette catégorie appelée littérature lyrique véhiculant un « moi » hanté de désespoir et porteur d’espoir.

Vous vivez loin de l’Algérie. Selon vous, y a-t-il un lien entre l’exil et l’écriture ?
Mener une vie secondaire sous l’égide d’autres cieux, c’est porter la carapace d’une tortue, elle seule sait du comment elle la porte au pourquoi elle la supporte. Et le temps ne fait que drainer le sang des veines car vivre son exil en parlant de la proximité des lieues et dans l’exil en parlant de la promiscuité des mots a un rapport, certes, mais l’inspiration diffère sur tous les plans. Les soucis et l’incertain sont des paramètres qui entravent la plume en sentant sa personne loin des siens. Il faut signaler qu’on est vraiment mieux servi que par soi-même et chez soi. Je ne dirai pas que tout est oasis chez nous mais une part de sa conscience vit tout de même sa quiétude. L’exil ronge avec degrés ce que dévore le chez soi d’un coup… Je préfère ce dernier, en somme.

Quels auteurs vous influencent le plus ?
Je suis toujours inspiré par tout verbe frappant, captivant car j’ai toujours lu entre les lignes et avec des arrière-pensées. Cela m’a permis de saisir l’insaisissable et de goûter à l’insatiable. La littérature n’a pas de couleur, elle est transparente, universelle à l’image d’une musique ou d’un air libre frôlant tout et touchant à tout !

Avez-vous des projets en chantier ?
Des projets, oui. Bientôt sera disponible mon deuxième roman « Amoureux-nés » chez Edilvre.com. Aussi j’ai un manuscrit en chantier qui aura pour titre « La Finitude ». J’écris toujours quand l’inspiration me happe et vient inopinément me harceler la conscience en décadence en réclamant en retour une hygiène morale, une purification répondant aux mots bien choisis et pour à la fin se sentir soulagé en se débarrassant du fardeau bien pesant.

Quel est votre dernier mot ?
Le dernier mot n’existe pas, son début, oui ! Que dire ? Qu’espérer ? Que notre pays retrouve sa paix intérieure pour que l’équité et tout autre équilibre social règnent à jamais dans les cœurs des gens ! Fomenter dans l’ombre a toujours donné des êtres de l’ombre auxquels on s’est affronté et on n’est plus dans l’ère de la science infuse ! Il est temps de joindre le geste à la parole et en finir avec toutes ces momeries contredisant à chaque fois l’action. Il est temps et urgent de mettre le holà à tous ces dépassements exorbitants plongeant la société dans le néant sans savoir à quel saint se vouer, sauf à son destin calamiteux ! La politique hasardée par ce régime est désastreuse ! Ont-ils vraiment conscience de ce qui les entoure et de nous qui clamons notre désarroi ? Le silence trahit et nous trahira tant qu’on applaudit nos torts ! In La Dépêche de Kabylie

5 - La lucide traversée du miroir !

Sur les étals foisonnants de la littérature, les bonnes surprises arrivent là d’où on ne les attendait guère ; c’est dire qu’un bon roman n’est pas forcément l’apanage d’un nom illustre ! Et si quelques esprits chagrins désespèrent de la qualité de la plume algérienne, ils n’ont qu’à guetter « Traduire un silence » : premier roman d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, qui paraîtra bientôt en France à la Société des Éditions Franco-Berbère (Sefraber). Quelle écriture, quelle prose ! Un style à l’image de son œuvre, de cette œuvre virtuose des tensions et des émotions fortes nous plongeant dans un monde secret, exclusif, implosif, sournois voire inquiétant, avec un « Je » qui mène sur plusieurs voies et affleure en vrac des vérités violentes mais réelles. Ainsi, le niais comme l’incomplet et l’ennuyeux ne se reconnaissent pas dans l’enchaînement torrentiel des mots, plutôt on peut parler de l’originalité et de la fluidité ponctuées par une présence intrinsèque de l’auteur dans chacun de ses maux, ce qui permet au lecteur de s’inviter implicitement, parfois malgré lui, pour chercher en soi ce qui est annoncé par la bouche et sur la peau d’autrui. Une narration qui se veut lyrique dans un réalisme à la fois angoissant, passionnant et… touchant.

« Traduire un silence » n’est pas une sinécure !

Ce roman est l’histoire impossible de deux êtres… voire trois (Kahina, Tiziri et Yuba) où la conjuration ne porte que son nom factice. Semés d’embûches, la quotidienneté et les aléas de la vie sont confrontés à de multiples interdits dont, en prime, celui des gestes. «… Sur les moments fragiles, je n’ai pas prêté attention à ses mots, à l’expression de ses traits ni à ses gestes qui parlaient plus haut et plus fort que ses paroles, je me contentais de saisir le sens, mais des mois ont passé, j’en ai saisi autre chose : une présence dans son absence, des souvenirs confondus à des illusions d’optique, ils passent et se suivent comme l’ombre d’un nuage : silencieuse et frappante. Oui, on aime qui on veut mais jamais comme on veut, on a juste ce qu’on peut mais pas toujours ce qu’on veut», écrit-il dans un accès de lyrisme.
Ce roman de 286 pages est impossible à lâcher ; vachement inspiré, il s’amorce au quart de tour et s’introduit en s’amplifiant à vive allure car les situations deviennent de plus en plus oppressantes vu l’intrigue dans laquelle est plongée notre conscience. Esprits fragiles, serrez bien la couverture entre les doigts ! Le verbe recherché nous sollicite par sa voluptueuse captivité, par sa fluidité hors paire, par son innovation parfois complexe, sinon brute, parfois douce et amplement subtile. S’il se veut un roman foisonnant d’idées, c’est par l’entrelacs d’émotions intenses et variées que l’auteur les souligne, d’où cette magie qui opère et nous happe !
Il y a cette raison d’écrire nourrissant à la racine ses mots, Iris les peint sensiblement par la couleur de son verbe érudit au fin fond de son altruisme, d’où l’échange inconditionnel entre ses pensées naissantes et celles ressuscitées, entre ses menées philosophiques et celles psychologiques. Tout est, en somme, dans « Traduire un silence » éternelle renaissance, cette curieuse découverte sommeillant en soi et qui voit le jour une fois que les états d’âme sont entièrement brassés.
« Traduire un silence » est un roman à lire absolument ! Et Iris est un nom de plume à retenir vivement ! In La Dépêche de Kabylie

6 - « Traduire un silence d'Iris » : Errance intérieure

Lyazid Chibout, en élève appliqué, laisse libre cours à son fertile talent et taille sur mesure une œuvre aux allures d’une rêverie ou d’un hommage vibrant à la parole libérée.
Il est des audaces esthétiques qui déroutent et enchantent à la fois. Traduire un silence, premier roman d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, à paraître bientôt en France et en Algérie aux éditions Sefraber, emprunte les chemins d’une errance intérieure. En toile de fond, une histoire poignante d’un amour impossible. Kahina et Yuba étrennent une marche au pas de loup vers un bonheur inavoué. Les chemins y sont sablonneux. Sauf que le jeu en vaut la chandelle. Le flot de paroles intérieures succède aux lambeaux de pensées en suspens. L’interdit des gestes trouve sa grâce dans la permissivité de la parole.
En observateur attentif, Lyazid Chibout se glisse dans les pensées de ses personnages et signe un texte introspectif et profondément psychologique, saisissant les détails insignifiants qui accordent leur valeur aux choses. « C’est une vie éphémère dans une existence terne, un amour platonique et d’une sensibilité sans nom qui a le mérite d’intriguer et on se surprend à chercher le fin mot de l’histoire », résume-t-il doctement. Son écriture ? L’auteur conjugue son style au rythme haletant d’un lyrisme enfiévré. Une parole, un geste, des scènes anodines deviennent, sous la plume du jeune auteur, des instants profonds et atemporels, longs déploiements de leur vie, de leurs angoisses, de leur destin.
De 286 pages du roman, la nostalgie exsude aussi comme des perles de rosée à travers les rues sombres et moroses d’Alger et les paysages panoramiques de sa Kabylie natale. Des instantanés de « refuge » et de « repos ». Dans ce roman foisonnant, Lyazid Chibout nous fait part, à travers ses personnages, des possibilités de surmonter le silence. Chacun d’entre eux, dans son contexte particulier, cherche un sens à sa vie et au monde. Si différents les uns des autres, les personnages sont tous attachants, les caractères décrits avec précision et finesse, les ressorts psychologiques et psychiques analysés en profondeur. Lyazid Chibout, en élève appliqué, laisse libre cours à son fertile talent, et taille sur mesure une œuvre aux allures d’une rêverie ou d’un hommage vibrant à la parole libérée. Tendre et presque parabolique par instants, Traduire un silence captive et intrigue. Ce n’est pas un roman facile, il faut le lire d’une traite pour ne pas perdre le fil. D’où, d’ailleurs, le recours à une voix intérieure, celle d’un « je » personnalisé, afin de pouvoir entraîner « le lecteur sur une pente raide, plaisante, captivante et obnubilée à la fois ».
Après quelques années vouées au journalisme et à l’enseignement de la langue de Molière, Lyazid Chibout s’est trouvé contraint de quitter son pays dans l’espoir de publier ses textes. En France, il a décroché un master de lettres modernes à la Sorbonne. L’enfant de Chemini, un bourg fier dans la région de Béjaïa, n’est qu’à ses débuts. Des surprises ? Affirmatif ! Deux autres romans, tissés et cardés du même verbe scrutateur : « Amoureux-nés », signé avec les éditions Edilivre, est en phase de finalisation et « La Finitude » est en chantier. Que de belles promesses de la vie !
« Traduire un silence », Iris, Sefraber éditions, 286 pages. In El Watan & Dznews & Vitaminedz & Djazairess & Bouillon de culture