Père décédé, mère désabusée, Mélyssa plonge dans des confusions de sentiments à la recherche d’un grand amour pouvant remplacer celui de son père, cet amour à la fois protecteur et charnel pour son âge… nubile. La monotonie de ses jours ombrés l’ont amenée à faire la connaissance d’un jeune étudiant croisé dans les halls de sa faculté. Ensemble, et sur ce chemin de la loyauté bordé de sincérité et de projets communs, ils se sont conquis. De leur connivence née avant l’heure, une passion a germé à la merci de leurs ententes morales et physiques, bien que leur passé ait été douloureux. S’adonner à cette passion qui les habite et s’éprendre l’un de l’autre de cette frénésie sans nom, durable de surcroît, qui les maintient en vie, plonge chacun d’eux dans la connaissance d’autrui au point de tolérer les défauts. Tout le sens de leur amour est là. Toute la philosophie de leur amour se résume dans « simplement aimer en répondant à l’arborescence de leur spontanéité sans fard ni retard. Mélyssa disait qu’avec toi, j’ai tout, et Micipsa répétait « Sans toi, je n’ai rien ».
Etudiants tous les deux, la présence de l’un aux côtés de l’autre est imparable, mais, en répondant à quelques caprices féminins, Mélyssa tente maintes fois de fuir la monotonie pour à la fois pimenter leur relation et inciter son amour à se manifester plus qu’il ne l’était. Cette attitude dérangeait Micipsa, et plus les jours passaient, plus il sentait que Mélyssa l’échappait. Elle dans son coin à se nourrir d’idées saugrenues en laissant le temps moisir ses pensées et leur relation, et lui dans ses recoins à noircir ses pages vierges, ce refuge auxiliaire auquel se livre une âme sensible, d’où leur amour en déliquescence. Même les mots pleins de sens de sa maman évoquant la politique abrupte à laquelle se livre le régime en menant le pays à son naufrage et à sa ruine, ou d’autres sur la philosophie de la vie n’ont pas apporté de positif à sa fille. (…) Ces petites négligences et ces petits détachements progressifs de ma part sont venus pour te pousser toi, à ton âge, à juger les hauts et les bas de la vie, à chercher et à attendre des égards et des soins, non seulement de ta mère mais aussi de celui qui prendra en mains, consciemment et intelligemment, tes égarements, d’être prudemment à la recherche des admirations masculines. On est tenté par notre inclination humaine, il n’y a pas de mal à cela, mais quand on est considérée tel un objet de plaisir sous des yeux qui nous imaginent automatiquement au lit, là ma fille est le pire de toutes les humiliations. Il est si doux, si consolant de parler de ce qu’on aime et avec qui on aime. La femme, la trentaine passée, voit son visage dans les reflets de son mari, contrairement à son âge ingrat, ses contours ronds et bien proportionnés ont été portés vaniteusement. C’est par amour du jeu qu’elle tombe dans le jeu de l’amour. A mon âge, je me juge de cette inconséquence morale comme une bassesse mais point de regret dans mon tréfonds car sans ça, je… (…)
Ce qui est beau dans ce roman est cette faculté de son auteur ayant su et pu ménager l’amour au détriment de tout. Dire que ce qui est semé à la bonne saison se cultive à la bonne saison, et que les mots ne changent rien en nous tant que nous ne pourrions changer ce qui est déjà en nous. Lire Iris est une chose, mais les adopter et les adapter en nous demeure cette faculté propre à soi de s’immiscer dans chacun de ses mots venant nous épargner des maux auxquels s’exposent nos instincts cloitrés. La conscience et la réalité se réveillent et s’entremêlent dans cette chute : « Mélyssa, tu es la fleur de mon âge / La fleur de tous les âges. »
« Amoureux-nés » d’Iris. Editions Edilivre, juillet 2010. 356 pages. 21.00 €. In Le Matin
S’exprimant sur ses livres, Mohand-Lyazid Chibout, qui prépare un troisième roman, La finitude, dira : « Traduire un silence est celui écrit d’une plume sombre et à l’ombre de tout, et Amoureux-nés, celui venu à la rescousse du premier en lui léguant tout l’espoir allant de pair avec le goût de la vie. En gros, les deux traitent du même sujet mais différemment élaboré : l’existence humaine, l’absurdité des mots qu’on s’attribue alors que le vécu n’est entre autres que celui frôlé par l’inconscient au moment de nos crises morales et d’angoisse tenace. »
A la question de la littérature algérienne actuelle, il dira qu’elle est toujours aussi florissante… De nouvelles plumes émergent et la richesse des trois couleurs du verbe ne fait qu’honorer l’aspect timide des années de plomb. Mais le mieux est d’encourager la nôtre, notre culture, notre langue amazighe en soulevant dans l’intérêt la pierre qui nous étouffe et voir dans nos reflets ce qui nous empêche vraiment d’avancer. Notre position actuelle est doublement sceptique et il faut s’ancrer dans un optimisme présent tourné vers un avenir prometteur si nous souhaitons que la génération de demain ne regrette pas sa mise au monde. Le devoir qui s’impose est celui de l’arrimage de toutes les tendances œuvrant pour la cause commune… Le fruit du rosier a toujours été une rose, lui greffer un plant d’une autre nature, cela n’engendrera que la dénaturation ! In InfoSoir (Dzlitt) & Bouillon de culture
3 - IRIS, HOMME JOURNALISTE ET ÉCRIVAIN : « Notre littérature est florissante et ouverte sur le monde d'aujourd'hui »
Votre dernier roman s’intitule, « Amoureux-nés », qu’évoque-t-il justement ?
Dans « Traduire un silence », l’histoire se déroule en soi en marquant des pas avant l’action tout en se mêlant aux paniques intérieures, celles-ci même qui s’abreuvent des soucis fortement ressentis en l’absence de sa moitié, Kahina, sa muse, que Yuba vénère surtout dans le noir en gardant les yeux ouverts. Des scènes fantasmatiques auxquelles se livre ce dernier, celles-là qui le clouent physiquement et le libèrent moralement par le verbe. Une sorte d’un roman dans un roman se dessine en soi dont il est l’instigateur et l’inquisiteur : instigateur quand il se force à sortir de sa coquille, et inquisiteur quand il interroge l’autre, soit lui-même, d’où ces réticences et ces envies l’invitant à trancher et à faire des concessions tout en le laissant planer.
« Amoureux-nés » s’associe à l’omniprésence et à l’omnipotence d’un amour dans tout son concret et avec toutes les liaisons qui semblaient être voilées et interdites par la non libération des mœurs, ces dernières confisquées voire endoctrinées par le manque d’éducation allant toujours à l’encontre de notre évolution et résolution. Mélyssa et Micipsa, les deux personnages principaux, ont su trouver le point commun agissant en parfaite osmose quand plongés, séparément, dans le désespoir, l’espoir venait les motiver et voyaient en leur union le seul but les ayant vus naître, et ce malgré l’instabilité sur tous les plans et économiques et sociaux, et écologiques et familiaux. Tout le mal venait bien sûr du fait que notre société moderne est mal organisée, ce qui a engendré l’individualisme et l’égoïsme, d’où cette disposition morale informe et non conforme.
Comment vous est venue l’inspiration de cette histoire ?
Pourquoi ce titre, « Amoureux-nés » ?
Pouvez-vous nous parler de vos autres œuvres ?
Quels sont les écrivains qui vous influencent ?
Que pensez-vous de la littérature algérienne actuelle ?
Quel est le dernier livre que vous avez lu ?
Quels sont vos projets d’écriture ?
Un mot pour conclure
4 - « Amoureux-nés » d'Iris : deux âmes, des mots, un amour !
Écrit sans envie de plaire, ni celle de déplaire. Il a pour seule intrigue le désir de rimer persévérance et espoir d’une plume à la fois soucieuse et délibérée en harmonie avec le savoir-faire et le savoir-vivre.
« Amoureux-nés » est un roman de grande plénitude qui nous invite à de merveilleux moments de prose. Doutes et inquiétudes semés dans les premières pages, nous invitent au fur et à mesure dans cette matrice où l’imposant verbe sensible s’annonce tel un droit absolu que chacun partage ‒tacitement parlant ‒ dans ce havre de paix et de quiétude où l’on s’attarde volontiers.
« Amoureux-nés » est venu à la rescousse du premier, « Traduire un silence », en lui léguant tout l’espoir. Un texte désinvolte mais lucidement mené dans la spontanéité de la fascinante finesse de deux âmes vivant au jour le jour avec ferveur en assumant la même passion dont l’une, masculine, passionnelle et intelligente, et l’autre, féminine, émotionnelle et instinctive.
Mélyssa, étudiante en psychologie à l’université d’Alger est le premier personnage principal du roman. Elle reflète cette créature algéroise fascinante douée de tant de volonté et de désir ardent où, à chaque égarement de son esprit, se recherche dans les mots bien ciselés de sa mère, Nora, devenue veuve après la mort tragique de son mari, ce qui a chagriné et rendu morose l’atmosphère dans laquelle toutes les deux évoluent et continuent à exister. Ce qui est frappant est cette nature plus sage et plus intelligente émotionnellement que renvoie sa mère malgré son âge, contrairement à celle de sa fille austère et toujours aussi soucieuse d’un avenir moins certain au milieu de cette société ornée de préjugés, voire crasseuse, vicieuse et hypocrite.
Résolue à éviter ses dérives, Mélyssa s’évade en cherchant à confondre sa personne avec celui sur lequel elle s’appuierait afin de réussir et fuir le quotidien harassant. Elle se perd alors dans des confusions de sentiments à la recherche d’un grand amour pouvant remplacer celui de son père. La monotonie de ses jours ombrés l’ont amenée à faire connaissance d’un jeune étudiant, Micipsa, croisé dans les halls de sa faculté. Ce dernier est aussi étudiant à l’université d’Alger. Lucide le jour et confus le soir en rentrant dans sa chambre universitaire, quand penché sur ses pages vierges, il mêle écriture et inspiration en les transposant sur les qualités féminines et gracieuses émanant de Mélyssa.
Ensemble, et sur ce chemin de la loyauté bordé de sincérité et de projets communs, ils se sont conquis. De leur connivence née avant l’heure, une passion a germé à la merci de leurs ententes, bien que leur passé ait été douloureux. Tout le sens de leur amour est là. Toute la philosophie de leur amour se résume dans « simplement aimer en répondant à l’arborescence de leur spontanéité sans fard ni retard. Mélyssa disait qu’avec toi, j’ai tout, et Micipsa répétait : « Sans toi, je n’ai rien ».
Laissant confronter amour loyal rêvé à celui chimérique vécu, Mohand Lyazid Chibout (nom de plume Iris) cherche par son verbe à équilibrer la part des choses en s’adonnant à la virtuosité de ses penchants, d’où l’ambiguïté dans l’emploi des méthodes contraires à la quête du bonheur. La femme se libère, l’homme y adhère. L’obéissance et l’obédience portent leurs noms dans une partie d’un cœur tout en entraînant l’autre dans la transgression et l’indocilité.
« Amoureux-nés » comme « Traduire un silence » sont d’une douceur rare, sobres et doux. Ils pansent les plaies et illuminent les yeux remplis de larmes. À découvrir... in L'Initiative