- « Traduire un silence », Iris
« Pour toutes celles qui n’ont rien fait pour plaire. / Pour toutes
celles qui ont tout fait pour déplaire. / Pour tous ceux qui se bercent sur les
cordes des violons. / Pour tous ceux qui se cherchent sous la lueur des
étoiles. / Pour tous ceux qui s’identifient à une épave blasée comme moi, comme
vous, j’ai espéré… J’ai espéré tout simplement parce que vous êtes une femme et
je suis un homme. De cette distinction, on se rejette des responsabilités pour
permettre aux rêves de faire le reste. » (P.10)
Auteur convaincu et texte convainquant un sujet sur lequel l’encre n’a
cessé de couler. Le paradoxe s’affiche dans ces personnages libérés la nuit et
perplexes le jour quand face à la réalité, ils se demandent de quelle nature
est cette force les poussant, sans relâche, à venir se justifier devant un
échec sentimental auquel se livre une âme candide.
Le verbe erre, les personnages suivent et se suivent en amoureux
d’eux-mêmes, Iris dans Traduire un silence relate ce
cheminement intemporel et sans fin d’une quête de soi alliant amour et goût de
vivre, quiétude et inquiétude, espoir et désespoir… Kahina et Yuba, les deux
personnages principaux, sèment un doute dans leur existence et oublient de
mener à terme leurs objectifs et de se demander « intérieurement »
les raisons d’une telle débâcle controversée allant de pair avec une désunion
consommée. Seule Tiziri aux mœurs libérées en tirait profit de cette mésentente
avec son entourage car elle répondait positivement, et par un consentement
inconscient, à tout ce que l’œil enregistrait. Amèrement le présent
s’introduisait et délicieusement sa personne encaissait.
Comme sur deux rails d’une voie ferrée, et pour éviter un quelconque
croisement, chacun de son côté s’engage à échapper à tout frôlement jusqu’ici
inviolable, et ce, dans l’espoir de tomber sur le concret de cette destinée
schématisant une imagination féerique en rapport avec les paysages pittoresques
de la Kabylie et les rues désertes d’Alger, un sort bifurquant avec la réalité,
cette fatalité des méandres quotidiens peints à fresque dans la vie aux
horizons bouchés, ces parcours universitaires incongrus dans un pays
synarchique et anarchique suçant le sang de ses propres enfants aux bouches
cousues pourtant bien pleines de causeries sérieuses, ceux-là mêmes confrontés
tant de fois à un déshonorant désaveu quand aspiration et désolation se
heurtent et se bousculent dans des tâches communes et pour un but
distinct.
Un roman écrit avec passion se lit d’une seule traite et passionnément
!
Traduire un silence, par
Iris. Préface d’Emma Poiret. Édit. Sefraber, fév. 2010. 284
p., 18,50 €.
In Critique Livre
- Se traduire, se pervertir !
« Traduire un silence »
est un roman écrit d’une plume sobre et sombre et à l’ombre de tout. Il se
dévoile du côté où le verbe le masque. Il est un carrefour de tous les
arrimages conflictuels, renvoie à un langage visiblement taciturne en apparence
mais combien loquace intérieurement car se miroitant sans vergogne dans deux
âmes féminines dont Kahina et Tiziri. Ces dernières, exposées à une sorte de
joute et confondues à des natures vierges, renvoient l’image de deux génisses
mâtinées avant l’âge pour donner naissance à des pages fertiles et utiles.
Yuba, le sujet coincé entre les deux, plonge dans l’altérité, s’expose comme il
s’impose, se livre comme il s’adonne corps et âme en cherchant une
signification à son existence dans la versatilité de son miroir, ce qui le
conduit à une brouille durable dans ces vérités criantes que dissimule un
silence. Ses angoisses permanentes et cette perpétuelle avanie avec lui-même
créent une sorte de crevasse dans ses visions des choses, un dilemme dépendant
à chaque fois des subterfuges de chacune d’elles. Ces êtres volages dont il est
épris semblent avoir de l’esprit plus qu’elles n’en possèdent. Elles sèment ce
tempérament amoureux équivoque, ces confusions de sentiments, dès lors le sujet
cherche à dépasser ses adversaires potentiels par sa vaine lucidité, par cette
brillance ne reflétant rien, ne le menant à rien d’où cette singularité faisant
du général un particulier dont il est l’objet. « Traduire un silence »
est né de ces songes visiblement réels et de ces souffrances nourrissant son
quotidien ; une histoire qui attend une fin, une récompense qui n’arrivera
jamais ! Etre et demeurer un non être est l’image du « moi »
véhiculant un verbe butant contre l’incertitude de soi devant la complexité
d’autrui. Le verbe nous récompense de toutes les illusions et désillusions
vécues dans l’imaginaire d’où sa personne jugée futile par soi malgré la
pondération de son verbe et l’utilité de son savoir.
A force de lire et de plonger dans cette linéarité imaginaire sans jamais
toucher le fond, cela nourrit en soi des idées, des souhaits, des désirs que
seul le monde imaginaire pourrait atteindre, et voilà qu’on se laisse envahir
par des nuages de mots créant autour de soi des ombres et des sinuosités.
L’enchaînement des faits romanesques intérieurement ressentis est captivant, le
style en est pour quelque chose, il touche à cette philosophie de la vie
modelant une passivité au lieu de la façonner à sa manière, il est l’ossature
même de toutes ces constructions et interpénétrations devant les yeux se
transposant en images sur la consolidation égalitaire de ces dernières. La vie
refuse et nous prive de tant de choses, par le verbe on espère tomber dans ces
apprivoisements, dans ces accoutumances nous invitant à frôler l’idéal tout en
laissant perplexe sa réalité falote. Se confondre et se reconnaître dans son
écriture est une chose, cela aide à s’oublier dans l’attente de toucher à tout,
une sorte d’invitation dans une autre existence en zone libre s’installe en
conséquence dans cette familiarité avec l’amour du verbe et dans cette
dépendance d’une indépendance à deux. La vivre pleinement et autrement s’avère
impossible. C’est en quelque sorte comme être polissonné par sa propre morale,
celle supposée éclairer l’autre. Comme la souffrance enfante des songes, les
pages blanches gobent comme elles créent des fanges, d’où ce monde auquel on
souhaite y parvenir sans toutefois arriver à franchir. On vit, on encaisse. On
se soumet, on se résigne. L’œil observe, la mémoire conserve. L’ombre fuit, la
vie suit. Toujours dans cette complicité du « je » guidé et guidant
son errance psychologique, ce dernier tombe dans l’objectivité des mots face à
la subjectivité dans laquelle s’abreuve son inconscience. Dans cette compassion
faisant partie de lui, il s’ouvre dans le noir, se moralise, s’assagit
face aux incongruités handicapant mentalement sa présence téméraire et
éphémère. C’est l’univers des maux cherchant consolation des mots. Ainsi
s’annonce alors ce roman « Traduire un silence » d’Iris, nom de plume
de Mohand-Lyazid Chibout, nourrissant d’espérance un manque et un vide dans
l’attente d’un ultime recours et d’un intime secours.
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- « Amoureux-nés », Iris
Une nouvelle attitude s’impose. Le calme s’installe. On le prend comme on
s’éprend d’un corps d’une femme. A bras-le-corps on le saisit et du bas du
corps on s’investit. On explore tous les chemins, entre les lignes et le long
de la filiation rectiligne. On s’abreuve à la bonne source, on s’y enfonce, on
s’y perd. D’une virtualité évanescente à une réalité efficiente, le désir se
nomme quintessence ! Le verbe, noué et étouffé à l’intérieur, dénoué
et révélateur à l’extérieur, acquiesce en suivant son destin tout au long de sa
déchéance rêveuse et à la merci des petites consolations dont il se nourrit. La
vie commence par « Elle ralentit le pas puis s’arrêta sur le vestibule… »
et s’achève littérairement et littéralement dans « … Mélyssa, tu es la
fleur de mon âge / La fleur de tous les âges. » bien qu’elle continue
expressivement et d’une manière lyrique à partager les couleurs vives et les
senteurs exquises des gaies saisons auxquelles nous invite peu à peu l’auteur.
En s’écartant du personnage de Mélyssa, étudiante en psychologie, Micipsa
s’immisce d’une manière frontale et objective dans sa propre personne, et ce,
dans l’espoir de se faire valoir autrement que par celle de se vitupérer en
associant des mots crus aux maux incongrus. Le verbe accueillant dans un
lyrisme fascinant arpente ces pages conviant à une parfaite harmonie avec soi,
il évoque en sourdine le mal-vivre, le marasme, les lendemains incertains dans
lesquels est plongée une société, la sienne, la nôtre. La politique délétère
altère, la société subalterne s’altère : tout ce à quoi est voué un sort,
Iris le clame dans cette relation prolifique le liant amoureusement à son verbe
en passant par les fougues intemporelles de sa passion et par les fugues
inconditionnelles de sa muse, ces matrices dans lesquelles il se laisse
passivement guider.
« Amoureux-nés » est un roman qui apporte un équilibre dans une
relation qui dure…
Amoureux-nés, par Iris. Éditions Edilivre, juil. 2010.
356 p., 21 €.
In Critique Livre
- Une thérapie, une osmose !
Amoureux-nés est un roman écrit lucidement et d’une
plume venue à la rescousse de tout ce qui est en proie à la dérive sentimentale
et au déclin. Il est ce miroir intègre et dans lequel se reconnaît un rêve, ces
images transposées en filigrane dans les pensées en frôlant virtuellement la
réalité. La plume engagée sous une brume annoncée conduit à cette rencontre
voilée léguant espoir allant de pair avec le goût de la vie. Il traite d’un
état d’esprit, d’un sujet se confondant dans autrui et dans une
élaboration toute cousue et hermétique à toute attaque venant destituer ses
aspirations. Différemment conçues, l’existence humaine et l’absurdité des mots
qu’on s’attribue sont une preuve que le vécu n’est entre autre que celui frôlé
par l’inconscient au moment des crises morales et d’angoisse tenace.
A toute chose un début et les prémices de l’histoire narrative
furent cette période abstraite du verbe venant égaler la linéarité de la vie
quotidienne. Car à force de sombrer dans la logique des choses, cette manie
ennuyeuse, un autre côté en nous cherche à prolonger ses vues sur les teneurs
de notre existence. Toute la confusion et tout le désir inassouvi fomentent, en
bloc, dans le secret. Dire qu’on a toujours souhaité frôler l’insaisissable ne
serait-ce que par son verbe… Des perditions, des envolées lyriques qui ne sont,
en somme, que chimériques devant cet œil rétif concevant tardivement à quel
point les propos de son âge, comparés à ceux noircissant ses pages vierges,
étaient en parfaite adéquation du fait de s’orienter sur et dans des lectures
plus commodes allant dans le sens à épouser de près ses aspirations et attentes
de ce monde inviolable, ce qui permet aux étapes de notre évolution de
s’harmoniser équitablement. Tout
le malaise psychologique venait du fait de reporter, sans le vouloir, aux
lendemains pourtant incertains les attentes censées être vécues dans le
présent, d’où cette peur de tout perdre en tombant dans la résorption venant
par degrés l’avilir. En associant le « je » à la narration, le
« moi » d’Iris erre sans but précis et heurte son pas hasardé en se
confrontant à la vie quotidienne, à ses aléas, aux mensonges gratuits de la
politique du piètre système en place.
Le verbe que véhicule le roman s’associe à l’amour dans tout son concret
et avec toutes les liaisons qui semblaient être voilées et interdites par la
non libération des mœurs, ces dernières confisquées voire endoctrinées par le
manque d’éducation allant toujours à l’encontre de toute évolution et
résolution. Mélyssa et Micipsa ont su trouver le point commun dans ce fruit
qu’ils cueillent en s’aimant et en agissant en parfaite osmose quand plongés
séparément dans le désespoir, l’espoir venait les motiver et voyaient en leur
union le seul but les ayant vus naître, et ce malgré l’instabilité sur tous les
plans, et économiques et sociaux, et écologiques et familiaux, auxquels l’amour
allergique réclamait une hygiène en profondeur. Tout le mal venait bien sûr du
fait que la société moderne qui les voyait grandir fût médiocrement organisée,
ce qui engendrait individualisme et égoïsme faisant champ libre à toutes ces
incommodités morales non conformes.
« Amoureux-nés » est un vécu se déroulant en soi et avec
des paniques intérieures s’abreuvant des soucis fortement ressentis en
l’absence de Mélyssa, sa moitié, cette muse que Micipsa vénère même en fermant
les yeux. La course au bonheur du « moi » demeure cette thématique
qui, en s’affichant tel un leurre par la non satisfaction du « je » porté au
galop quand chercher l’idéal par le verbe interroge et ronge, suscite des
questionnements. L’écriture réveille les sens quand celle-ci vient clairement
épouser son verbe, contrairement aux moments de toutes les latences lorsque
tout se codifie en filigrane et dans ses pensées et dans ses gestes. C’est
toute une concordance de mots associés à la discordance des faits, comme on le
vit si bien dans nos rêves et onanisme « permis ». Agir pour
l’intérêt du verbe et non au profit de sa personne, telle était la destinée de
la plume d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, s’agglutinant en
demeurant penchée sur ces pages tangibles, palpables mais indéfiniment
insaisissables d’« Amoureux-nés ».
Amoureux-nés d’Iris. Editions Edilivre, juillet 2010.
356 pages. 21.00 €. In Critiques Libres & CritiquesLibres
- La finitude (La haine de soi)
- « La finitude (La haine de soi) », Iris
« Quand tu cesseras d’être ce que tu es / Tu sauras qui tu es ! / Quand
tu sauras comment tu es / Tu cesseras de te demander pourquoi on te hait ! / Le
vice naît du fait d’être direct / La vertu se nourrit du fait d’être honnête !
» (P. 3)
Voici venu le temps de la
connaissance de soi à travers ces mots se miroitant dans eux-mêmes en se
conspuant, semblables à des gouttes d’eau limpides, tangibles et
insaisissables, car à la lecture de ce roman « La finitude (La haine de
soi) » paru en France aux éditions Edilivre, tout ce qui est porté au
conditionnel et à l’interrogatif semble être résolu. En effet, l’auteur Iris
(de son vrai nom Mohand-Lyazid Chibout) captive le lecteur en l’invitant
implicitement à patauger dans les méandres de la psychologie humaine. Tous nous
naissons égaux, mais jamais cela n’a été adopté et adapté hormis dans
l’imaginaire noircissant des pages blanches et dans lesquelles nos personnes se
transposent et se reconnaissent.
Dès les premières pages du roman,
Iris saisit le lecteur pour ne plus le lâcher. En quête de repères, le verbe
porté à l’universel et à l’ombre des yeux inquisiteurs ne dévie pas ; Iris
est de ceux qualifiés d’humbles, le partage dès lors s’annonce avec dextérité
et sans complexité. Toutes les forces de ses créations se nourrissent à la
lumière de son verbe qui avance. Ou dans « Traduire un silence » (son
premier roman), ou dans « Amoureux-nés » (son deuxième roman), comme
dans « La finitude (La haine de soi), l’auteur continue son chemin le plus
long, celui qu’il cherche à conquérir par son verbe voyageur, tantôt déçu,
tantôt réjoui.
L’histoire se déroule à Vgayet
(Béjaïa), en Kabylie, où le personnage principal qu’est Tilelli (synonyme de
Liberté en français) cherche un semblant de cohérence entre elle et le monde
l’apprivoisant, ce paradoxe venimeux aux aspirations contraires. Toute sa
naïveté innée se résume dans la perte de sa membrane gardée honorablement
intime en se fiant les bras ouverts, les yeux bandés, jusqu’au jour néfaste où
tout a basculé, suite aux attouchements accentués de son père abusant
incessamment d’elle, après chaque rentrée tardive consécutive à une ébriété,
car délaissé par sa femme souffrante et alitée. Le refuge de ces orientations
libidinales s’oriente vers cette victime aux mouvements interdits ; elle,
soumise aux conditions patriarcales et aux contraintes sociétales, la face
voilée, et lui, en homme dominant arborant autorité et rugosité, la face
dévoilée exposant son côté bestial. L’incongruité s’identifie dans cette
claustrophobie forcée où seules les rêveries aux degrés élevés venaient à son
secours le temps d’un clignement de l’œil, car tout le reste lui renvoyait la
couleur de la peur, celle d’une léthargie. Agir et gésir semblent être son
point commun l’empêchant de prendre son essor afin d’essayer ses ailes. Le
temps passe, sa mère paralysée décède. Tilelli décide alors de fuir cette
atmosphère pesante pour aller s’installer chez une vieille connaissance, une
dame d’un certain âge. Le hasard l’amène à croiser le destin d’un journaliste,
Massinissa, venu d’Alger faire quelques reportages sur cette Kabylie meurtrie
de coups contondants.
Tilelli résiste à la façon dont
l’auteur diapre ses ressentis tantôt stupides et tantôt lucides en essayant
d’apporter beaucoup de positivisme à ses états d’âme, ô combien ténébreux à ce
sourire benêt peignant son visage ! Derrière cette fragilité féminine et ses
souffrances provocantes et implorantes s’exhibait une certaine nature,
contrairement à tant d’autres inhibées par les phénomènes innés en soi. Elle se
voyait tel un être factice dépendant de quelques directives abruptes et du
temps à la fois éphémère et infini. S’adonnant ouvertement en cherchant des
réconciliations impromptues à sa personne, et ce, tout en s’interrogeant sur
cette exploitation vindicative d’une espèce à l’encontre d’une autre elle-même
visant en premier lieu ce honni pouvoir n’arrivant toujours pas à se doter
d’une politique stable allant de pair avec les aspirations rêveuses de toutes
les catégories d’âge, elle cherche une certaine identité à sa vie l’ayant usée
et poussée au retranchement intime. La société lui causait du tort, et Iris,
par la couleur de sa plume, transposait sur notre conscience le mal habitant
Tilelli, ces accommodations sombres et scabreuses et aux multiples facettes la
vilipendant continuellement. De tels arguments la laissaient perplexe et
l’exposaient en conséquence à cette lenteur prolongée la privant de tant de
bienfaits moraux car dopée par cette théorie du mouton illustrant qu’un
troupeau de la même famille ne peut se déplacer qu'à la vitesse du mouton le
plus lent. La politique figée, la société piégée ; la première oriente, la
seconde se désoriente. « Etre clair avec soi, c’est d’abord voir les
choses claires autour de soi et inversement », conclut-elle pour se
racheter à chaque crise morale crispant ses nerfs. Egalité et liberté ont été
bafouées jusqu’à faire naître, et il est un constat, une certaine montée des
dépendances religieuses endoctrinant du matin au soir et endeuillant du soir au
matin, le nivellement non inspecté et non respecté de l’ordre social, le savoir
sclérosé, les vies amputées… Deux mondes alors se dessinent au travers de ses
visions, l’un sous un œil qui admire et l’autre sous celui qui envie. Une sorte
de translation secrète voire de propension se crée, elle est nommée cacophonie
aphone relatant, d’une part, le vécu et le réel dans lesquels elle évolue, et
de l’autre, celle subreptice et imaginaire vers laquelle elle se projette,
guidée par les conditions incongrues des aléas de la vie. Et c’est à partir de
ces derniers qu’elle dissémine ses réflexions et engagements face à son autre
elle-même blessée intimement.
Une lecture entre les lignes de
ce texte énigmatique, singulier et bien écrit, nous renvoie finalement à
l’assertivité d’une Liberté bafouée par l’agressivité d’un pouvoir despotique
figé là au dessus de nos têtes tel un nuage gris. Le père en est l’envahisseur
et l’auteur, sa fille, la victime, la mère, la patrie sans repères, et la plume
d’Iris, l’instigatrice véhiculant ce qui s’ourdit entre une conscience en quête
d’un raisonnement et une insensibilité férue de cupidité et de tyrannie.
La finitude (La haine de
soi), par
Iris. Éditions Edilivre, mars 2014. 372 p., 25 €.
In Critique Livre &
Lecture Plus
- Iris entre la haine de soi et l’estime de soi
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Iris signe son troisième
roman, qui nous raconte le destin de Tilelli, une jeune fille confrontée à un
drame personnel. Elle est meurtrie mais entière, docile mais libre, condamnée
par une société patriarcale mais portée vers l’espoir. Tilelli, dont le nom
signifie liberté en kabyle est la naïveté personnifiée, mais son destin bascule
au détour d’un drame familial complexe, d’abord la longue maladie de la mère,
le désespoir du père, puis l’irréparable : ce dernier rentre ivre abuse de sa
fille. Cet inceste entraîne la perte de l’hymen, cette idole d’une société où
la femme doit rester scellée. Tilelli se retrouve obligée de quitter le
domicile familial pour se reconstruire. Le roman nous raconte cette quête
passionnante vers la dignité, qui passe aussi par l’amour, celui d’un
journaliste venu faire un reportage en Kabylie. La finitude (La haine de soi)
est le troisième roman d’Iris, le nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, après
Traduire un silence et Amoureux-nés. On pourrait voir dans ce nouveau livre une
parabole, dans laquelle l’héroïne incarne une Kabylie contemporaine tyrannisée
dans sa chair mais résolument tournée vers la conquête de sa liberté, c’est
aussi un roman psychologique et un récit initiatique.
Tout se déroule intérieurement
quand les faits dans leurs actions s’avèrent vains. Le courage de Tilelli et sa
dignité avec lesquels elle entre dans l’univers et l’hiver de la vie, les mots
qu’elle choisit et qu’elle dorlote afin de les faire revenir, le moment
propice, à son secours, sont ses ingrédients de premier choix et ses condiments
de première nature. Ayant toujours souhaité vivre autrement et mener des relations
saines avec ses semblables, voilà que le hasard ait rudoyé son parcours après
s’être déchirée intimement suite à une ébriété de trop de son père, celui-ci
rongé par la solitude et les soucis après les alitements répétés de sa femme.
Se voyant comme un papillon de nuit attiré par la flamme de l’espoir où elle se
précipitait afin de bruler ses ailes, Tilelli se retrouve à la fin isolée et
rejetée par la société, les déchirements moraux venus accentuer ses déboires
humiliants : où avancer en s’efforçant les yeux bandés, ou reculer en
s’effaçant dans l’irréparable, la corde au cou. L’existence en filigrane. Le
visage fermé. La crevasse. Le néant. Le destin brisé. Les malheurs
ostentatoires auxquels se livre sa conscience vertigineuse. Les déceptions tout
genres. Les lendemains incertains évoquant une existence sans repères… Sa mère
dans son intime souffrance, celle qui devrait être à ses rescousses, comme à
l’accoutumée, a choisi l’autre voie du silence. Tilelli, dans ses maintes
quêtes de soi à la recherche de sa personne et de l’homme-espoir qui viendrait
changer, à la racine, le courant monotone de son quotidien et celui de sa vie
misérable, se voit telle une vipère acculée : dans son champ de vision, sa
queue mordue et son propre venin inoculé.
Iris vient dans ce roman psychologique signer l’exemplarité en frôlant
l’absurde et le sensé. En écartant le ridicule, il met en avant la sagesse dans
toute son intégrité et intégralité face à l’ignorance happant les innocences
dans leur sommeil. Le monde concret dans lequel il nous invite est un antre
infâme décevant et avilissant, nous qui le croyions franchissable et
réalisable. En relatant les affres vécues dans le désespoir par Tilelli, il
relaie les paradoxes en les juxtaposant par des alternatives : difficile d’afficher
sa pensée et pire si la parole vient à manquer. L’attente n’est pas à décevoir
car sa plume nous promet comme elle nous permet de voir l’envers du décor et
tout ce qui se fomente en secret. C’est cela, en somme, que nous fait découvrir
la singularité d’une plume : oser sans contraindre est le verbe qui nous range
du côté de la raison et du raisonnable. Enfoncer une porte ouverte, certes,
sort de l’ordinaire, et il est un choix personnel si toutefois un tel penchant
vient ressusciter les bourgeons atteints de nécrose, car bousculer une habitude
et créer est une manière de clamer et d’éclore un fantasme étouffé, ce style
nommé à son fruit, comestible, sensible, pur et aérien.
Partir au bout de soi, choisir son chemin pour à la fin se retrouver en désaccord
avec ses obligations et engagements, telle a été la bévue commise quand la
naïveté se mêle et s’emmêle aux frustrations de sa personne plongée dans le
désespoir en se sentant déchirée de l’intérieur par ce poison du système
politique qui tue à petites doses. Nés morts, on rate des choses dans notre vie
factice, et ce, à force d’espérer et de trop attendre ; les réalisations se
concrétiseraient peut-être de l’autre côté. Les libertés bafouées, la patrie en
deuil, et l’avenir doublement hermétique. La léthargie continue…
L’écriture est recherchée et énigmatique dans ces espoirs et attentes
cloisonnés. Elle est un état d’âme qui peine à force de constater les
changements s’opérant à son insu. En restant soi, Iris affiche sa liberté
d’écriture et sa virtuosité singulière.
La finitude (La haine de soi),
par Iris. Editions Edilivre, 372 pages, 25 euros. In Critiques Libres & CritiquesLibres
- « Les saisons mortes », Iris
« Vivre dans la
peau de celui qui n’a jamais vécu / Et exister dans un monde qui n’a
jamais existé. » (P. 7)

Du désespoir naissait
l’empathie, de l’empathie une douleur couleur de la pitié à l’égard de son pays
renversé sur sa carapace et de la nature violée dans son intimité. Le verbe
d’Iris (nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout) cousu de soins attentifs,
acquiesçait en révélant sa sensibilité, cette alerte qui émouvait et
avertissait en s’affichant dans son ensemble tel qu’il était inspiré, évoqué et
invoqué. Coincé entre deux âges, le corps et l’âme séparés, son personnage
principal, Ilès, dans sa dualité, n’évoluait que physiquement. Qu’il veille dans
le noir sous les étoiles de son univers, ou se lève tôt en restant fidèle aux
aurores et murmures qui perçaient de ses horizons, il se laissait entourer du
positif l’émerveillant de l’intérieur, parfois dans l’harmonie, parfois dans le
conflit. De l’introversion personnelle à l’extraversion verbale mêlant chagrin
et bonheur, amour et espoir, et la liberté d’être soi retrouvée, les
hésitations chassées, il part à la conquête du tangible et du concret voilés
par ses brouillards épais. Des éventualités qui lui permettaient de s’évader
dans des refuges auxiliaires en étant aux côtés de ceux à qui on a effacé
l’identité, des plus démunis et des oubliés de la société, et aussi de ses
semblables perdus dans des mers, entraînés par les courants de la mort, les regards
sombrant dans l’irréel et les flottements guidés par le doute et le hasard.
La pérennité de sa
résistance face aux usures et les souffles contraires l’enseigne et l’éduque en
lui apprenant objectivement que la République, la laïcité et la démocratie vont
ensemble, que les politiques se mirent dans leurs mensonges, et l’élévation
d’une nation ne réside point dans la focalisation aveugle et obstinée sur une
religion, cette maladie dangereuse et contagieuse que nourrit le ferment du
fanatisme et que soignent la bonne éducation et autres mœurs. Se reconnaissant
dans la résignation du roseau sachant s’incliner aux vents sans se briser,
soutenu par ses propres conceptions positives, son espérance et sa patience, le
cheminement certain, la concrétisation se dévoilait et s’annonçait en affichant
la couleur de sa philosophie sur la vie et l’existence. De cette trajectoire
visualisée jusqu’aux projections imagées associant le virtuel au réel, en
passant par les mailles de la clairvoyance et du mûrissement, le voici en phase
avec son époque, le courage comme arme de défense et une volonté de fer comme
certitude.
Les pérégrinations
tantôt accomplies, tantôt inabouties auxquelles il se livrait, brouillaient ses
schémas mentaux, et en souhaitant devenir maître de son destin, le voici
dépendant de ce qui le dépassait : la vie, ses aléas, ses canevas… Le
déclin. La transition était finalement un basculement sans conséquence d’une
réalité dans une autre réalité. L’ombre sous ses pas grandissait, et lui, il
apprenait curieusement des habitudes instinctives de son fidèle reflet, errant
et interrogateur, troublant et envahissant. L’amour rencontré sur son chemin à
Paris était pour lui cette lumière du jour ayant succédé aux ténèbres de ses
nuits. En s’ouvrant à sa chaleur, et elle à ses clameurs, ils se décoraient et
se dévoraient mutuellement en exposant leurs couleurs, parfois disparates,
parfois harmonieuses : elle à se projeter dans une vie parentale, lui à se
limiter à leur vie conjugale. Complices et patients, la confiance entretenue
dans l’entente comme celle conçue dans le silence et le sérieux des fourmis,
Jenny et Ilès se complétaient, se fusionnaient et s’aimaient, les yeux fermés
sur le passé et ouverts sur l’avenir.
Un roman à découvrir de par sa densité et la diversité des sujets qu'il aborde. La qualité de l'écriture reliée intrinsèquement à sa langue, sa construction, son rythme ou sa porosité avec le champ philosophique, les thématiques sociales évoquées densifient encore le récit sur le plan politique, et aussi sur les thèmes forts de l'exil et du désenchantement. L'ensemble étant lui-même nourri par le travail précis de l'écriture mis en relation avec la forme et la structure du texte, d'une certaine complexité d'ailleurs. Ce qui nous renvoie à une littérature plus consciente de la manière dont elle se donne à lire, assez traditionnelle et humble dans son aspiration au poétique. C'est aussi une écriture de la réflexion qui se donne à lire autant qu'à penser.
Les saisons mortes, par Iris. Editions
Spinelle, oct. 2018. 220 p., 18 €. In Critique Livre
- Les saisons mortes : le rêveur éveillé et l'inspiré transi
Les passions qui
entraînent, la morale qui freine. Le verbe intrusif interroge en venant
dévoiler les secrets engloutis et cachés sous de pesants silences. Son écriture
ne distrait point, plutôt elle extrait l’essentiel des crises
existentielles et de l’éthique. L’imagination, parfois cohérente, parfois
abracadabrante, s’exhibe dans ses envolées lyriques en emportant dans son
essor les dérives verbales et les comportements sains.
Voici l’auteur dans un
extrait de son prologue : « […] Tout ce qui subjugue l’œil attire le corps,
et tout ce qui retient le corps peut tromper l’œil en discréditant l’esprit qui
s’y mêle, sa personne coincée entre les craintes imposées et les audaces
tolérées. […] Notre vie, qu’elle soit
ennuyeuse par sa morale pesante ou par son sérieux déroutant manquant de
sensibilité, ou encore par sa coquetterie provocante et vaniteuse, qu’elle
trompe par tout ce qui brille et aveugle, l’accepter en l’instruisant dans une
distraction complice serait un exutoire qui conduirait aux bonnes choses
gratifiantes allant de pair avec ses taraudantes tortures, ses ombres obscures
et son infidélité impure. Mais quand tout se substitue dans ce miroir intime
des projections équivoques du vide et du néant, tantôt en harmonie, tantôt en
contraste, où sa personne et son
double s’exposent et se confient, où la raison et le flou se mêlent et se
méfient, où l’espoir et l’inquiétude se croisent et se défient, où la vie
rétrécie et la mort se légitime, là, le hasard s'invite et le destin s’enfante
en devenant mère d’une fatalité. Et c’est durant ces confusions allégoriques et
influentes que l’estime de soi se désagrège au profit de la haine de soi pour,
en somme, favoriser l’orientation donnée explicitement à sa décrépitude établie
précocement dans son esprit. »
D’abord, il y a eu « Traduire
un silence » et « Amoureux-nés » dans leurs exhibitions intenses
et denses d’un somnambule, en 2010. Puis vint « La finitude (La haine de
soi) » dans ses provocations intimes à l’image d’un névrosé qui tourne, se
retourne et s’agite, en 2014. Le voici, en 2018, dans « Les saisons
mortes » qui se veut limpide, fascinant et passionnant aux couleurs de la
clandestinité d’un verbe dévoilant sa face et cachant son secret. Du
style, de la structure et de l’épaisseur dans la tangibilité de ses personnages
originaux et dans l’apparence de leurs reflets invisibles. Iris, le rêveur
éveillé et l’inspiré interrogé dans un hasard provoqué sous un verbe qui
se love dans son semblable sans réserve et sans frein, continue son bout de
chemin parisien semé d’embûches et d’habitudes, parfois lisses, parfois rudes. En
mêlant l’intime et la fiction, son écriture ciselée traite des sujets de
société. Plus son verbe est sensible, plus il est accessible, et plus il est
lisible, plus ses textes prenaient de la hauteur. L’auteur, de son vrai nom,
Mohand-Lyazid Chibout, dilatait son idéal « imaginaire » par l’emploi
d’un verbe concret, correct et courageux luttant pour notre besoin et survie. C’est
du côté où il soulevait le problème que la solution s’évoquait d’elle-même en
venant au secours de celui qui la formulait. Comme il connaissait l’avilissement
qui traduit, il se heurtait aussi à celui qui le fagotait délicatement. Son
pays, l’Algérie, qui l’a vu naître, et la Kabylie où il espérait renaître. Servie
par un style inclassable, son écriture aux couleurs chatoyantes témoignait à la
fois les dérives de son sujet harmonisant à la fois ses implications et ses inspirations,
tantôt tardives, tantôt anticipées.
« Les saisons
mortes » est un voyage qui commence par un regard discret pour
aboutir à des retrouvailles apprivoisées. Pour se départir de ses lugubres
transpositions, et à la limite de ses espoirs et incertitudes, Ilès, son
personnage principal, associa Jenny sa dulcinée, allègre et désirante, fervente
défenseuse du climat, à ses pérégrinations intimes. De ce fait, l’auteur
trouvait refuge dans ce quotidien mêlé de poésie et de récit décrit sous un
angle méconnu. Le souffle retenu et le geste libéré, tout se consommait au
rythme d’un tâtonnement libérant la tragédie de l’interdit dans cette lecture interrogative
où l’on confond absurdité et lucidité, consolation et désolation. Souffrant de
concrétisation, les désirs demeuraient néanmoins inassouvis, car, on ne sait, conséquemment,
qui écrivait tellement la rêverie était douce. Un adulte ? Un
enfant ?
Naïve mais vive,
passionnée de ce qui bouscule et interroge, l’écriture de ce magnifique roman
qui est à la fois objective, innocente et profonde, curieuse et soucieuse de la
décadence qui l’entoure, nous fait découvrir plusieurs fragments de notre
vie, et dans chacun d’eux, chaque lecteur se reconnaît. De la frivolité à la sagesse,
et de la brutalité à la tendresse, en passant par le pessimisme, les dérives,
le présentisme et l’éternalisme, l’homme-humain, en persistant et en
persévérant, faisait ce qu’il pouvait dans ce monde à la fois permissif et
rigide. Des usages qui prévalaient en laissant filtrer la lumière au cœur de
l’ignorance, de l’obscurantisme, des abus et dérives du régime en place, des
conflits d’intérêt, des négligences par manque de maturité et responsabilité
politiques et des multiples servitudes auxquelles étaient attelées nos femmes,
ces proies jadis domestiquées, mais émancipées dans la défiance de l’interdit. In Critiques Libres &
CritiquesLibres
- « Les
lumières de l’ombre », Iris
De l’encre noire pour prévenir et
beaucoup d’espaces blancs – pour ne pas dire transparents – pour assainir dans
ce recueil de réflexions et aphorismes intitulé « Les lumières de
l’ombre » d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout. Si tel fut le
choix du titre, c’est tout simplement pour permettre, tacitement, aux espaces
naturels de se proliférer en accordant beaucoup plus de leur temps à la liberté
de l’écosystème afin de
maintenir et le respect des convenances et celui de la vie. Et ce, en parallèle
avec les pages gobeuses de son auteur et l’esprit de ses lecteurs. C’est dans
cette continuité que s’inscrit Iris pour ainsi écarter l’aspect putride et
permettre à l’état glorieux de se ressusciter
–
la révolte en soi et la plume comme arme de défense face au réalisme cru qui
cloue
–.
On n’observe ni personnage
principal, ni personnages secondaires. La personne impliquée pourrait être
vous, comme elle pourrait être moi, et il s’agit bien d’une poésie révélatrice
nous incitant à nous révéler. À chacun sa façon d’avertir : la nature d’un
côté, et l’âme consciencieuse de l’autre. Iris en est de ceux qui voient non
seulement le bout de leur nez, mais plutôt plus loin, et au-delà. La solitude
plaît à cet homme. Les marges et les attitudes l’envoûtent. L’effacement pour
apercevoir et percevoir d’un œil lyrique l’inspire. Et plus encore, le verbe de
démarcation lui colle à la peau. Ce n’est nullement un masque, plutôt un choix
d’équilibre d’une conduite intègre face à ce qu’elle reflète. Dès les premières
pages, on sentait déjà que les mots choisis et l’espace dans lequel nous évoluions
cohabitaient. Tout ce que nous ressentons, l’auteur trouve le mot qui sied. Où
tout commence, la fin s’annonce. Rien ne dure. Est-ce un hasard ? Non. De
la conscience ? Oui. On découvre de la joie, de l’angoisse et beaucoup de
tristesse. Le qualifie-t-on de social, d’écologique ou tout simplement de
psychologique, voire de philosophique ? Tout est sagement abordé en tous
les cas. L’imprévu associé au désir, et le prévu à l’attente, telle a été
l’idée ayant inspiré son auteur dans son réalisme sociologique pour la
réalisation de ce magnifique livre poétique et philosophique.
Se retourner sur son passé,
admettre le présent et se projeter dans l’avenir. Faire entendre les voix enfouies.
Faire apparaître les ombres cachées. Dénoncer les partages inégaux et naître
pour exister afin de dépendre et de soi et du monde autour de soi. L’évidence, l’ambivalence et l’incertitude. La
responsabilité des adultes et la frivolité des âges sans âge. La femme, l’homme, le parallèle. La
société et la complexité de ce qui émerge : de la démocratie aux penchants
idéologiques en passant par la laïcité. Les refuges auxiliaires, la thérapie...
Iris interroge le pouvoir des mots. De l’émotion et des attentions. Tout est
relatif dans la vie. Il y a des états d’âme. Il y a de l’humeur. Le verbe
roboratif qui noie le doute débilitant ouvre au lecteur des pistes de
réflexions sur le devenir de son monde, ainsi se qualifie l’auteur dans son
recueil de pensées en étant expressif et intrusif. Son objectif est de
combattre la linéarité du quotidien pour ainsi échapper à la platitude
qu’impose la morne existence. Heureusement que l’espoir se nourrissait en
demeurant présent sous la plume lyrique et poétique de son auteur.
Il est, en somme, nécessaire et
fécond de lire « Les lumières de l’ombre ». In Critique Livre
- « Les lumières de l’ombre », Iris
La place de l’individu et celle
de la planète préoccupent beaucoup Iris. Si la planète a soif, nous, nous
aurons faim, et c’est à partir de cette conception philosophique que le recueil
de réflexions et aphorismes, « Les lumières de l’ombre » d’Iris, est né. L’unicité et la complicité du
« moi », le poids des jurons et la valeur des pardons, la fidélité du
cœur et la générosité de la chair, l’exigüité d’un vide et l’importance d’une
présence, la place de la femme et son absence inexpliquée… Des sujets choisis
dans son nouveau recueil de telle sorte à ce que cela ait un sens et un
enchainement émotionnel dans ce désordre
dans lequel nous pataugeons. Dans l’écriture, tout s’achève sur un titre, d’où
celui choisi pour cette publication constellée de fulgurances poétiques.
«
L’ombre, un nuage gris qui passe /
La lumière, le relief d’une trace / Qui, en marquant ses espaces / Cela
préserve sa place / Depuis, sans cesse ils s’enlacent / Depuis, jamais ils ne s’en lassent »,
écrivait-il.
À chacun sa façon. Iris est celui
qui sait baisser le ton de son verbe en cherchant à l’adopter et à l’adapter à
l’environnement dans lequel il évolue. L’image nette et le reflet intègre. Ni
il n’impose, ni il ne dérange, seulement il propose comme il invite. Du style
et de l’intonation qui captivent en murmurant dans l’oreille. De la couleur et
de l’innovation qui subjuguent en caressant l’œil et les sens. Des sujets
variés et des thèmes divers, à l’image des individus d’une société où tout le
monde est différent mais dépendants les uns des autres. L’individuation et
l’altruisme caché. L’égoïsme et les manifestations refoulées. Une écriture
pleine de sagesse et de philosophie. C’est en lisant entre les lignes qu’on
arrive à concevoir que les mots s’interpénètrent sans pour autant se heurter ou
se confondre. De la clarté et du sens dans deux mondes parallèles, et il est
souvent plausible de trouver un critère efficace d’acceptation, d’intégration
et de partage. Tout y est, et l’argumentation rationnelle, et l’objectivité
cartésienne. Tellement les sujets sont frappants, poignants et cohérents, on
arrive aisément à saisir les interactions multiples de ses univers. Le style et
le choix des mots ont autant d’importance que le sens et la profondeur des
idées exprimées. Sous la plume pleine de verve de l’écrivain et poète, Iris, la
réalité sait exprimer sa nuance, et la subtilité sa clairvoyance.
Sur des éléments irrationnels, il
greffe des substituts rationnels. Si un mot se justifie hystériquement pour
peser, Iris fait son mea-culpa de l’avoir provoqué. Tels des arrière-plans
évocateurs, les pages d’Iris dans leurs éblouissements permanents nous
subjuguent par l’intensité et la lucidité de leurs paysages. L’écho qu’elles
renvoient alerte et vient freiner la furie débordante des hommes. Plus on avance
dans la lecture, plus on découvre à quel point la sensibilité de son lyrisme se
dévoile en étant de mèche avec la nature verte qui affleure. Tout y est dans ce
fruit mûr et compact : de l’amour pour la vie et de la vie sans amour ; de la
femme privée de vie et de sa vie privée de liberté ; des bouleversements
climatiques et de l’égocentrisme de l’homme complice ; de la politique sans
fondements éthiques et des engagements vains ; de l’âgisme, de l’euphémisme, de
l’acculturation et de l’inculture, et de ce qui se transforme et évolue mal ;
de la morale et de la justice sociale qui rétrograde…
Les lumières de l’ombre,
d’Iris. Éditions Spinelle, 106 pages, 12 euros. In Critiques Libres & CritiquesLibres