Critiques

  • Traduire un silence

- « Traduire un silence », Iris


« Pour toutes celles qui n’ont rien fait pour plaire. / Pour toutes celles qui ont tout fait pour déplaire. / Pour tous ceux qui se bercent sur les cordes des violons. / Pour tous ceux qui se cherchent sous la lueur des étoiles. / Pour tous ceux qui s’identifient à une épave blasée comme moi, comme vous, j’ai espéré… J’ai espéré tout simplement parce que vous êtes une femme et je suis un homme. De cette distinction,  on se rejette des responsabilités pour permettre aux rêves de faire le reste. » (P.10)

Auteur convaincu et texte convainquant un sujet sur lequel l’encre n’a cessé de couler. Le paradoxe s’affiche dans ces personnages libérés la nuit et perplexes le jour quand face à la réalité, ils se demandent de quelle nature est cette force les poussant, sans relâche, à venir se justifier devant un échec sentimental auquel se livre une âme candide. 

Le verbe erre, les personnages suivent et se suivent en amoureux d’eux-mêmes, Iris dans Traduire un silence relate ce cheminement intemporel et sans fin d’une quête de soi alliant amour et goût de vivre, quiétude et inquiétude, espoir et désespoir… Kahina et Yuba, les deux personnages principaux, sèment un doute dans leur existence et oublient de mener à terme leurs objectifs et de se demander « intérieurement » les raisons d’une telle débâcle controversée allant de pair avec une désunion consommée. Seule Tiziri aux mœurs libérées en tirait profit de cette mésentente avec son entourage car elle répondait positivement, et par un consentement inconscient, à tout ce que l’œil enregistrait. Amèrement le présent s’introduisait et délicieusement sa personne encaissait.

Comme sur deux rails d’une voie ferrée, et pour éviter un quelconque croisement, chacun de son côté s’engage à échapper à tout frôlement jusqu’ici inviolable, et ce, dans l’espoir de tomber sur le concret de cette destinée schématisant une imagination féerique en rapport avec les paysages pittoresques de la Kabylie et les rues désertes d’Alger, un sort bifurquant avec la réalité, cette fatalité des méandres quotidiens peints à fresque dans la vie aux horizons bouchés, ces parcours universitaires incongrus dans un pays synarchique et anarchique suçant le sang de ses propres enfants aux bouches cousues pourtant bien pleines de causeries sérieuses, ceux-là mêmes confrontés tant de fois à un déshonorant désaveu quand aspiration et désolation se heurtent et se bousculent dans des tâches communes et pour un but distinct. 

Un roman écrit avec passion se lit d’une seule traite et passionnément ! 

Traduire un silence, par Iris. Préface d’Emma Poiret. Édit. Sefraber, fév. 2010. 284 p., 18,50 €. In Critique Livre

- Se traduire, se pervertir !


« Traduire un silence » est un roman écrit d’une plume sobre et sombre et à l’ombre de tout. Il se dévoile du côté où le verbe le masque. Il est un carrefour de tous les arrimages conflictuels, renvoie à un langage visiblement taciturne en apparence mais combien loquace intérieurement car se miroitant sans vergogne dans deux âmes féminines dont Kahina et Tiziri. Ces dernières, exposées à une sorte de joute et confondues à des natures vierges, renvoient l’image de deux génisses mâtinées avant l’âge pour donner naissance à des pages fertiles et utiles. Yuba, le sujet coincé entre les deux, plonge dans l’altérité, s’expose comme il s’impose, se livre comme il s’adonne corps et âme en cherchant une signification à son existence dans la versatilité de son miroir, ce qui le conduit à une brouille durable dans ces vérités criantes que dissimule un silence. Ses angoisses permanentes et cette perpétuelle avanie avec lui-même créent une sorte de crevasse dans ses visions des choses, un dilemme dépendant à chaque fois des subterfuges de chacune d’elles. Ces êtres volages dont il est épris semblent avoir de l’esprit plus qu’elles n’en possèdent. Elles sèment ce tempérament amoureux équivoque, ces confusions de sentiments, dès lors le sujet cherche à dépasser ses adversaires potentiels par sa vaine lucidité, par cette brillance ne reflétant rien, ne le menant à rien d’où cette singularité faisant du général un particulier dont il est l’objet. « Traduire un silence » est né de ces songes visiblement réels et de ces souffrances nourrissant son quotidien ; une histoire qui attend une fin, une récompense qui n’arrivera jamais ! Etre et demeurer un non être est l’image du « moi » véhiculant un verbe butant contre l’incertitude de soi devant la complexité d’autrui. Le verbe nous récompense de toutes les illusions et désillusions vécues dans l’imaginaire d’où sa personne jugée futile par soi malgré la pondération de son verbe et l’utilité de son savoir.


A force de lire et de plonger dans cette linéarité imaginaire sans jamais toucher le fond, cela nourrit en soi des idées, des souhaits, des désirs que seul le monde imaginaire pourrait atteindre, et voilà qu’on se laisse envahir par des nuages de mots créant autour de soi des ombres et des sinuosités. L’enchaînement des faits romanesques intérieurement ressentis est captivant, le style en est pour quelque chose, il touche à cette philosophie de la vie modelant une passivité au lieu de la façonner à sa manière, il est l’ossature même de toutes ces constructions et interpénétrations devant les yeux se transposant en images sur la consolidation égalitaire de ces dernières. La vie refuse et nous prive de tant de choses, par le verbe on espère tomber dans ces apprivoisements, dans ces accoutumances nous invitant à frôler l’idéal tout en laissant perplexe sa réalité falote. Se confondre et se reconnaître dans son écriture est une chose, cela aide à s’oublier dans l’attente de toucher à tout, une sorte d’invitation dans une autre existence en zone libre s’installe en conséquence dans cette familiarité avec l’amour du verbe et dans cette dépendance d’une indépendance à deux. La vivre pleinement et autrement s’avère impossible. C’est en quelque sorte comme être polissonné par sa propre morale, celle supposée éclairer l’autre. Comme la souffrance enfante des songes, les pages blanches gobent comme elles créent des fanges, d’où ce monde auquel on souhaite y parvenir sans toutefois arriver à franchir. On vit, on encaisse. On se soumet, on se résigne. L’œil observe, la mémoire conserve. L’ombre fuit, la vie suit. Toujours dans cette complicité du « je » guidé et guidant son errance psychologique, ce dernier tombe dans l’objectivité des mots face à la subjectivité dans laquelle s’abreuve son inconscience. Dans cette compassion faisant partie de lui,  il s’ouvre dans le noir, se moralise, s’assagit face aux incongruités handicapant mentalement sa présence téméraire et éphémère. C’est l’univers des maux cherchant consolation des mots. Ainsi s’annonce alors ce roman « Traduire un silence » d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, nourrissant d’espérance un manque et un vide dans l’attente d’un ultime recours et d’un intime secours. 

« Traduire un silence » d’Iris. Éditions Sefraber, fév. 2010. 284 pages. 18,50 €. In Critiques Libres & CritiquesLibres

  • Amoureux-nés

- « Amoureux-nés », Iris


Une nouvelle attitude s’impose. Le calme s’installe. On le prend comme on s’éprend d’un corps d’une femme. A bras-le-corps on le saisit et du bas du corps on s’investit. On explore tous les chemins, entre les lignes et le long de la filiation rectiligne. On s’abreuve à la bonne source, on s’y enfonce, on s’y perd. D’une virtualité évanescente à une réalité efficiente, le désir se nomme quintessence ! Le verbe, noué et étouffé à l’intérieur, dénoué et révélateur à l’extérieur, acquiesce en suivant son destin tout au long de sa déchéance rêveuse et à la merci des petites consolations dont il se nourrit. La vie commence par « Elle ralentit le pas puis s’arrêta sur le vestibule… » et s’achève littérairement et littéralement dans « … Mélyssa, tu es la fleur de mon âge / La fleur de tous les âges. » bien qu’elle continue expressivement et d’une manière lyrique à partager les couleurs vives et les senteurs exquises des gaies saisons auxquelles nous invite peu à peu l’auteur.

En s’écartant du personnage de Mélyssa, étudiante en psychologie, Micipsa s’immisce d’une manière frontale et objective dans sa propre personne, et ce, dans l’espoir de se faire valoir autrement que par celle de se vitupérer en associant des mots crus aux maux incongrus. Le verbe accueillant dans un lyrisme fascinant arpente ces pages conviant à une parfaite harmonie avec soi, il évoque en sourdine le mal-vivre, le marasme, les lendemains incertains dans lesquels est plongée une société, la sienne, la nôtre. La politique délétère altère, la société subalterne s’altère : tout ce à quoi est voué un sort, Iris le clame dans cette relation prolifique le liant amoureusement à son verbe en passant par les fougues intemporelles de sa passion et par les fugues inconditionnelles de sa muse, ces matrices dans lesquelles il se laisse passivement guider. 

« Amoureux-nés » est un roman qui apporte un équilibre dans une relation qui dure…

Amoureux-nés, par Iris. Éditions Edilivre, juil. 2010. 356 p., 21 €. In Critique Livre

- Une thérapie, une osmose !


Amoureux-nés
est un roman écrit lucidement et d’une plume venue à la rescousse de tout ce qui est en proie à la dérive sentimentale et au déclin. Il est ce miroir intègre et dans lequel se reconnaît un rêve, ces images transposées en filigrane dans les pensées en frôlant virtuellement la réalité. La plume engagée sous une brume annoncée conduit à cette rencontre voilée léguant espoir allant de pair avec le goût de la vie. Il traite d’un état d’esprit, d’un sujet se confondant dans autrui et dans une élaboration toute cousue et hermétique à toute attaque venant destituer ses aspirations. Différemment conçues, l’existence humaine et l’absurdité des mots qu’on s’attribue sont une preuve que le vécu n’est entre autre que celui frôlé par l’inconscient au moment des crises morales et d’angoisse tenace.

 A toute chose un début et les prémices de l’histoire narrative furent cette période abstraite du verbe venant égaler la linéarité de la vie quotidienne. Car à force de sombrer dans la logique des choses, cette manie ennuyeuse, un autre côté en nous cherche à prolonger ses vues sur les teneurs de notre existence. Toute la confusion et tout le désir inassouvi fomentent, en bloc, dans le secret. Dire qu’on a toujours souhaité frôler l’insaisissable ne serait-ce que par son verbe… Des perditions, des envolées lyriques qui ne sont, en somme, que chimériques devant cet œil rétif concevant tardivement à quel point les propos de son âge, comparés à ceux noircissant ses pages vierges, étaient en parfaite adéquation du fait de s’orienter sur et dans des lectures plus commodes allant dans le sens à épouser de près ses aspirations et attentes de ce monde inviolable, ce qui permet aux étapes de notre évolution de s’harmoniser équitablement. Tout le malaise psychologique venait du fait de reporter, sans le vouloir, aux lendemains pourtant incertains les attentes censées être vécues dans le présent, d’où cette peur de tout perdre en tombant dans la résorption venant par degrés l’avilir. En associant le « je » à la narration, le « moi » d’Iris erre sans but précis et heurte son pas hasardé en se confrontant à la vie quotidienne, à ses aléas, aux mensonges gratuits de la politique du piètre système en place.   

Le verbe que véhicule le roman s’associe à l’amour dans tout son concret et avec toutes les liaisons qui semblaient être voilées et interdites par la non libération des mœurs, ces dernières confisquées voire endoctrinées par le manque d’éducation allant toujours à l’encontre de toute évolution et résolution. Mélyssa et Micipsa ont su trouver le point commun dans ce fruit qu’ils cueillent en s’aimant et en agissant en parfaite osmose quand plongés séparément dans le désespoir, l’espoir venait les motiver et voyaient en leur union le seul but les ayant vus naître, et ce malgré l’instabilité sur tous les plans, et économiques et sociaux, et écologiques et familiaux, auxquels l’amour allergique réclamait une hygiène en profondeur. Tout le mal venait bien sûr du fait que la société moderne qui les voyait grandir fût médiocrement organisée, ce qui engendrait individualisme et égoïsme faisant champ libre à toutes ces incommodités morales non conformes.

« Amoureux-nés » est un vécu se déroulant en soi et avec des paniques intérieures s’abreuvant des soucis fortement ressentis en l’absence de Mélyssa, sa moitié, cette muse que Micipsa vénère même en fermant les yeux. La course au bonheur du « moi » demeure cette thématique qui, en s’affichant tel un leurre par la non satisfaction du « je » porté au galop quand chercher l’idéal par le verbe interroge et ronge, suscite des questionnements. L’écriture réveille les sens quand celle-ci vient clairement épouser son verbe, contrairement aux moments de toutes les latences lorsque tout se codifie en filigrane et dans ses pensées et dans ses gestes. C’est toute une concordance de mots associés à la discordance des faits, comme on le vit si bien dans nos rêves et onanisme « permis ». Agir pour l’intérêt du verbe et non au profit de sa personne, telle était la destinée de la plume d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, s’agglutinant en demeurant penchée sur ces pages tangibles, palpables mais indéfiniment insaisissables d’« Amoureux-nés ». 
    
Amoureux-nés d’Iris. Editions Edilivre, juillet 2010. 356 pages. 21.00 €. In Critiques Libres & CritiquesLibres
 
  • La finitude (La haine de soi)

- « La finitude (La haine de soi) », Iris


« Quand tu cesseras d’être ce que tu es / Tu sauras qui tu es ! / Quand tu sauras comment tu es / Tu cesseras de te demander pourquoi on te hait ! / Le vice naît du fait d’être direct / La vertu se nourrit du fait d’être honnête ! » (P. 3)

Voici venu le temps de la connaissance de soi à travers ces mots se miroitant dans eux-mêmes en se conspuant, semblables à des gouttes d’eau limpides, tangibles et insaisissables, car à la lecture de ce roman « La finitude (La haine de soi) » paru en France aux éditions Edilivre, tout ce qui est porté au conditionnel et à l’interrogatif semble être résolu. En effet, l’auteur Iris (de son vrai nom Mohand-Lyazid Chibout) captive le lecteur en l’invitant implicitement à patauger dans les méandres de la psychologie humaine. Tous nous naissons égaux, mais jamais cela n’a été adopté et adapté hormis dans l’imaginaire noircissant des pages blanches et dans lesquelles nos personnes se transposent et se reconnaissent.

Dès les premières pages du roman, Iris saisit le lecteur pour ne plus le lâcher. En quête de repères, le verbe porté à l’universel et à l’ombre des yeux inquisiteurs ne dévie pas ; Iris est de ceux qualifiés d’humbles, le partage dès lors s’annonce avec dextérité et sans complexité. Toutes les forces de ses créations se nourrissent à la lumière de son verbe qui avance. Ou dans « Traduire un silence » (son premier roman), ou dans « Amoureux-nés » (son deuxième roman), comme dans « La finitude (La haine de soi), l’auteur continue son chemin le plus long, celui qu’il cherche à conquérir par son verbe voyageur, tantôt déçu, tantôt réjoui.

L’histoire se déroule à Vgayet (Béjaïa), en Kabylie, où le personnage principal qu’est Tilelli (synonyme de Liberté en français) cherche un semblant de cohérence entre elle et le monde l’apprivoisant, ce paradoxe venimeux aux aspirations contraires. Toute sa naïveté innée se résume dans la perte de sa membrane gardée honorablement intime en se fiant les bras ouverts, les yeux bandés, jusqu’au jour néfaste où tout a basculé, suite aux attouchements accentués de son père abusant incessamment d’elle, après chaque rentrée tardive consécutive à une ébriété, car délaissé par sa femme souffrante et alitée. Le refuge de ces orientations libidinales s’oriente vers cette victime aux mouvements interdits ; elle, soumise aux conditions patriarcales et aux contraintes sociétales, la face voilée, et lui, en homme dominant arborant autorité et rugosité, la face dévoilée exposant son côté bestial. L’incongruité s’identifie dans cette claustrophobie forcée où seules les rêveries aux degrés élevés venaient à son secours le temps d’un clignement de l’œil, car tout le reste lui renvoyait la couleur de la peur, celle d’une léthargie. Agir et gésir semblent être son point commun l’empêchant de prendre son essor afin d’essayer ses ailes. Le temps passe, sa mère paralysée décède. Tilelli décide alors de fuir cette atmosphère pesante pour aller s’installer chez une vieille connaissance, une dame d’un certain âge. Le hasard l’amène à croiser le destin d’un journaliste, Massinissa, venu d’Alger faire quelques reportages sur cette Kabylie meurtrie de coups contondants.

Tilelli résiste à la façon dont l’auteur diapre ses ressentis tantôt stupides et tantôt lucides en essayant d’apporter beaucoup de positivisme à ses états d’âme, ô combien ténébreux à ce sourire benêt peignant son visage ! Derrière cette fragilité féminine et ses souffrances provocantes et implorantes s’exhibait une certaine nature, contrairement à tant d’autres inhibées par les phénomènes innés en soi. Elle se voyait tel un être factice dépendant de quelques directives abruptes et du temps à la fois éphémère et infini. S’adonnant ouvertement en cherchant des réconciliations impromptues à sa personne, et ce, tout en s’interrogeant sur cette exploitation vindicative d’une espèce à l’encontre d’une autre elle-même visant en premier lieu ce honni pouvoir n’arrivant toujours pas à se doter d’une politique stable allant de pair avec les aspirations rêveuses de toutes les catégories d’âge, elle cherche une certaine identité à sa vie l’ayant usée et poussée au retranchement intime. La société lui causait du tort, et Iris, par la couleur de sa plume, transposait sur notre conscience le mal habitant Tilelli, ces accommodations sombres et scabreuses et aux multiples facettes la vilipendant continuellement. De tels arguments la laissaient perplexe et l’exposaient en conséquence à cette lenteur prolongée la privant de tant de bienfaits moraux car dopée par cette théorie du mouton illustrant qu’un troupeau de la même famille ne peut se déplacer qu'à la vitesse du mouton le plus lent. La politique figée, la société piégée ; la première oriente, la seconde se désoriente. « Etre clair avec soi, c’est d’abord voir les choses claires autour de soi et inversement », conclut-elle pour se racheter à chaque crise morale crispant ses nerfs. Egalité et liberté ont été bafouées jusqu’à faire naître, et il est un constat, une certaine montée des dépendances religieuses endoctrinant du matin au soir et endeuillant du soir au matin, le nivellement non inspecté et non respecté de l’ordre social, le savoir sclérosé, les vies amputées… Deux mondes alors se dessinent au travers de ses visions, l’un sous un œil qui admire et l’autre sous celui qui envie. Une sorte de translation secrète voire de propension se crée, elle est nommée cacophonie aphone relatant, d’une part, le vécu et le réel dans lesquels elle évolue, et de l’autre, celle subreptice et imaginaire vers laquelle elle se projette, guidée par les conditions incongrues des aléas de la vie. Et c’est à partir de ces derniers qu’elle dissémine ses réflexions et engagements face à son autre elle-même blessée intimement.

Une lecture entre les lignes de ce texte énigmatique, singulier et bien écrit, nous renvoie finalement à l’assertivité d’une Liberté bafouée par l’agressivité d’un pouvoir despotique figé là au dessus de nos têtes tel un nuage gris. Le père en est l’envahisseur et l’auteur, sa fille, la victime, la mère, la patrie sans repères, et la plume d’Iris, l’instigatrice véhiculant ce qui s’ourdit entre une conscience en quête d’un raisonnement et une insensibilité férue de cupidité et de tyrannie.  

La finitude (La haine de soi), par Iris. Éditions Edilivre, mars 2014. 372 p., 25 €. In Critique Livre & Lecture Plus

- Iris entre la haine de soi et l’estime de soi 

Iris signe son troisième roman, qui nous raconte le destin de Tilelli, une jeune fille confrontée à un drame personnel. Elle est meurtrie mais entière, docile mais libre, condamnée par une société patriarcale mais portée vers l’espoir. Tilelli, dont le nom signifie liberté en kabyle est la naïveté personnifiée, mais son destin bascule au détour d’un drame familial complexe, d’abord la longue maladie de la mère, le désespoir du père, puis l’irréparable : ce dernier rentre ivre abuse de sa fille. Cet inceste entraîne la perte de l’hymen, cette idole d’une société où la femme doit rester scellée. Tilelli se retrouve obligée de quitter le domicile familial pour se reconstruire. Le roman nous raconte cette quête passionnante vers la dignité, qui passe aussi par l’amour, celui d’un journaliste venu faire un reportage en Kabylie. La finitude (La haine de soi) est le troisième roman d’Iris, le nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, après Traduire un silence et Amoureux-nés. On pourrait voir dans ce nouveau livre une parabole, dans laquelle l’héroïne incarne une Kabylie contemporaine tyrannisée dans sa chair mais résolument tournée vers la conquête de sa liberté, c’est aussi un roman psychologique et un récit initiatique.

Tout se déroule intérieurement quand les faits dans leurs actions s’avèrent vains. Le courage de Tilelli et sa dignité avec lesquels elle entre dans l’univers et l’hiver de la vie, les mots qu’elle choisit et qu’elle dorlote afin de les faire revenir, le moment propice, à son secours, sont ses ingrédients de premier choix et ses condiments de première nature. Ayant toujours souhaité vivre autrement et mener des relations saines avec ses semblables, voilà que le hasard ait rudoyé son parcours après s’être déchirée intimement suite à une ébriété de trop de son père, celui-ci rongé par la solitude et les soucis après les alitements répétés de sa femme. Se voyant comme un papillon de nuit attiré par la flamme de l’espoir où elle se précipitait afin de bruler ses ailes, Tilelli se retrouve à la fin isolée et rejetée par la société, les déchirements moraux venus accentuer ses déboires humiliants : où avancer en s’efforçant les yeux bandés, ou reculer en s’effaçant dans l’irréparable, la corde au cou. L’existence en filigrane. Le visage fermé. La crevasse. Le néant. Le destin brisé. Les malheurs ostentatoires auxquels se livre sa conscience vertigineuse. Les déceptions tout genres. Les lendemains incertains évoquant une existence sans repères… Sa mère dans son intime souffrance, celle qui devrait être à ses rescousses, comme à l’accoutumée, a choisi l’autre voie du silence. Tilelli, dans ses maintes quêtes de soi à la recherche de sa personne et de l’homme-espoir qui viendrait changer, à la racine, le courant monotone de son quotidien et celui de sa vie misérable, se voit telle une vipère acculée : dans son champ de vision, sa queue mordue et son propre venin inoculé.

Iris vient dans ce roman psychologique signer l’exemplarité en frôlant l’absurde et le sensé. En écartant le ridicule, il met en avant la sagesse dans toute son intégrité et intégralité face à l’ignorance happant les innocences dans leur sommeil. Le monde concret dans lequel il nous invite est un antre infâme décevant et avilissant, nous qui le croyions franchissable et réalisable. En relatant les affres vécues dans le désespoir par Tilelli, il relaie les paradoxes en les juxtaposant par des alternatives : difficile d’afficher sa pensée et pire si la parole vient à manquer. L’attente n’est pas à décevoir car sa plume nous promet comme elle nous permet de voir l’envers du décor et tout ce qui se fomente en secret. C’est cela, en somme, que nous fait découvrir la singularité d’une plume : oser sans contraindre est le verbe qui nous range du côté de la raison et du raisonnable. Enfoncer une porte ouverte, certes, sort de l’ordinaire, et il est un choix personnel si toutefois un tel penchant vient ressusciter les bourgeons atteints de nécrose, car bousculer une habitude et créer est une manière de clamer et d’éclore un fantasme étouffé, ce style nommé à son fruit, comestible, sensible, pur et aérien.

Partir au bout de soi, choisir son chemin pour à la fin se retrouver en désaccord avec ses obligations et engagements, telle a été la bévue commise quand la naïveté se mêle et s’emmêle aux frustrations de sa personne plongée dans le désespoir en se sentant déchirée de l’intérieur par ce poison du système politique qui tue à petites doses. Nés morts, on rate des choses dans notre vie factice, et ce, à force d’espérer et de trop attendre ; les réalisations se concrétiseraient peut-être de l’autre côté. Les libertés bafouées, la patrie en deuil, et l’avenir doublement hermétique. La léthargie continue…

L’écriture est recherchée et énigmatique dans ces espoirs et attentes cloisonnés. Elle est un état d’âme qui peine à force de constater les changements s’opérant à son insu. En restant soi, Iris affiche sa liberté d’écriture et sa virtuosité singulière.

La finitude (La haine de soi), par Iris. Editions Edilivre, 372 pages, 25 euros. In Critiques Libres & CritiquesLibres

  • Les saisons mortes

- « Les saisons mortes », Iris


« Vivre dans la peau de celui qui n’a jamais vécu / Et exister dans un monde qui n’a jamais existé. » (P. 7)

Du désespoir naissait l’empathie, de l’empathie une douleur couleur de la pitié à l’égard de son pays renversé sur sa carapace et de la nature violée dans son intimité. Le verbe d’Iris (nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout) cousu de soins attentifs, acquiesçait en révélant sa sensibilité, cette alerte qui émouvait et avertissait en s’affichant dans son ensemble tel qu’il était inspiré, évoqué et invoqué. Coincé entre deux âges, le corps et l’âme séparés, son personnage principal, Ilès, dans sa dualité, n’évoluait que physiquement. Qu’il veille dans le noir sous les étoiles de son univers, ou se lève tôt en restant fidèle aux aurores et murmures qui perçaient de ses horizons, il se laissait entourer du positif l’émerveillant de l’intérieur, parfois dans l’harmonie, parfois dans le conflit. De l’introversion personnelle à l’extraversion verbale mêlant chagrin et bonheur, amour et espoir, et la liberté d’être soi retrouvée, les hésitations chassées, il part à la conquête du tangible et du concret voilés par ses brouillards épais. Des éventualités qui lui permettaient de s’évader dans des refuges auxiliaires en étant aux côtés de ceux à qui on a effacé l’identité, des plus démunis et des oubliés de la société, et aussi de ses semblables perdus dans des mers, entraînés par les courants de la mort, les regards sombrant dans l’irréel et les flottements guidés par le doute et le hasard.

La pérennité de sa résistance face aux usures et les souffles contraires l’enseigne et l’éduque en lui apprenant objectivement que la République, la laïcité et la démocratie vont ensemble, que les politiques se mirent dans leurs mensonges, et l’élévation d’une nation ne réside point dans la focalisation aveugle et obstinée sur une religion, cette maladie dangereuse et contagieuse que nourrit le ferment du fanatisme et que soignent la bonne éducation et autres mœurs. Se reconnaissant dans la résignation du roseau sachant s’incliner aux vents sans se briser, soutenu par ses propres conceptions positives, son espérance et sa patience, le cheminement certain, la concrétisation se dévoilait et s’annonçait en affichant la couleur de sa philosophie sur la vie et l’existence. De cette trajectoire visualisée jusqu’aux projections imagées associant le virtuel au réel, en passant par les mailles de la clairvoyance et du mûrissement, le voici en phase avec son époque, le courage comme arme de défense et une volonté de fer comme certitude.

Les pérégrinations tantôt accomplies, tantôt inabouties auxquelles il se livrait, brouillaient ses schémas mentaux, et en souhaitant devenir maître de son destin, le voici dépendant de ce qui le dépassait : la vie, ses aléas, ses canevas… Le déclin. La transition était finalement un basculement sans conséquence d’une réalité dans une autre réalité. L’ombre sous ses pas grandissait, et lui, il apprenait curieusement des habitudes instinctives de son fidèle reflet, errant et interrogateur, troublant et envahissant. L’amour rencontré sur son chemin à Paris était pour lui cette lumière du jour ayant succédé aux ténèbres de ses nuits. En s’ouvrant à sa chaleur, et elle à ses clameurs, ils se décoraient et se dévoraient mutuellement en exposant leurs couleurs, parfois disparates, parfois harmonieuses : elle à se projeter dans une vie parentale, lui à se limiter à leur vie conjugale. Complices et patients, la confiance entretenue dans l’entente comme celle conçue dans le silence et le sérieux des fourmis, Jenny et Ilès se complétaient, se fusionnaient et s’aimaient, les yeux fermés sur le passé et ouverts sur l’avenir.

Un roman à découvrir de par sa densité et la diversité des sujets qu'il aborde. La qualité de l'écriture reliée intrinsèquement à sa langue, sa construction, son rythme ou sa porosité avec le champ philosophique, les thématiques sociales évoquées densifient encore le récit sur le plan politique, et aussi sur les thèmes forts de l'exil et du désenchantement. L'ensemble étant lui-même nourri par le travail précis de l'écriture mis en relation avec la forme et la structure du texte, d'une certaine complexité d'ailleurs. Ce qui nous renvoie à une littérature plus consciente de la manière dont elle se donne à lire, assez traditionnelle et humble dans son aspiration au poétique. C'est aussi une écriture de la réflexion qui se donne à lire autant qu'à penser.

Les saisons mortes, par Iris. Editions Spinelle, oct. 2018. 220 p., 18 €. In Critique Livre

- Les saisons mortes : le rêveur éveillé et l'inspiré transi


Les passions qui entraînent, la morale qui freine. Le verbe intrusif interroge en venant dévoiler les secrets engloutis et cachés sous de pesants silences. Son écriture ne distrait point, plutôt elle extrait l’essentiel des crises existentielles et de l’éthique. L’imagination, parfois cohérente, parfois abracadabrante, s’exhibe dans ses envolées lyriques en emportant dans son essor les dérives verbales et les comportements sains.


Voici l’auteur dans un extrait de son prologue : « […] Tout ce qui subjugue l’œil attire le corps, et tout ce qui retient le corps peut tromper l’œil en discréditant l’esprit qui s’y mêle, sa personne coincée entre les craintes imposées et les audaces tolérées. […] Notre vie, qu’elle soit ennuyeuse par sa morale pesante ou par son sérieux déroutant manquant de sensibilité, ou encore par sa coquetterie provocante et vaniteuse, qu’elle trompe par tout ce qui brille et aveugle, l’accepter en l’instruisant dans une distraction complice serait un exutoire qui conduirait aux bonnes choses gratifiantes allant de pair avec ses taraudantes tortures, ses ombres obscures et son infidélité impure. Mais quand tout se substitue dans ce miroir intime des projections équivoques du vide et du néant, tantôt en harmonie, tantôt en contraste, où sa personne et son double s’exposent et se confient, où la raison et le flou se mêlent et se méfient, où l’espoir et l’inquiétude se croisent et se défient, où la vie rétrécie et la mort se légitime, là, le hasard s'invite et le destin s’enfante en devenant mère d’une fatalité. Et c’est durant ces confusions allégoriques et influentes que l’estime de soi se désagrège au profit de la haine de soi pour, en somme, favoriser l’orientation donnée explicitement à sa décrépitude établie précocement dans son esprit. »

D’abord, il y a eu « Traduire un silence » et « Amoureux-nés » dans leurs exhibitions intenses et denses d’un somnambule, en 2010. Puis vint « La finitude (La haine de soi) » dans ses provocations intimes à l’image d’un névrosé qui tourne, se retourne et s’agite, en 2014. Le voici, en 2018, dans « Les saisons mortes » qui se veut limpide, fascinant et passionnant aux couleurs de la clandestinité d’un verbe dévoilant sa face et cachant son secret. Du style, de la structure et de l’épaisseur dans la tangibilité de ses personnages originaux et dans l’apparence de leurs reflets invisibles. Iris, le rêveur éveillé et l’inspiré interrogé dans un hasard provoqué sous un verbe qui se love dans son semblable sans réserve et sans frein, continue son bout de chemin parisien semé d’embûches et d’habitudes, parfois lisses, parfois rudes. En mêlant l’intime et la fiction, son écriture ciselée traite des sujets de société. Plus son verbe est sensible, plus il est accessible, et plus il est lisible, plus ses textes prenaient de la hauteur. L’auteur, de son vrai nom, Mohand-Lyazid Chibout, dilatait son idéal « imaginaire » par l’emploi d’un verbe concret, correct et courageux luttant pour notre besoin et survie. C’est du côté où il soulevait le problème que la solution s’évoquait d’elle-même en venant au secours de celui qui la formulait. Comme il connaissait l’avilissement qui traduit, il se heurtait aussi à celui qui le fagotait délicatement. Son pays, l’Algérie, qui l’a vu naître, et la Kabylie où il espérait renaître. Servie par un style inclassable, son écriture aux couleurs chatoyantes témoignait à la fois les dérives de son sujet harmonisant à la fois ses implications et ses inspirations, tantôt tardives, tantôt anticipées.

« Les saisons mortes » est un voyage qui commence par un regard discret pour aboutir à des retrouvailles apprivoisées. Pour se départir de ses lugubres transpositions, et à la limite de ses espoirs et incertitudes, Ilès, son personnage principal, associa Jenny sa dulcinée, allègre et désirante, fervente défenseuse du climat, à ses pérégrinations intimes. De ce fait, l’auteur trouvait refuge dans ce quotidien mêlé de poésie et de récit décrit sous un angle méconnu. Le souffle retenu et le geste libéré, tout se consommait au rythme d’un tâtonnement libérant la tragédie de l’interdit dans cette lecture interrogative où l’on confond absurdité et lucidité, consolation et désolation. Souffrant de concrétisation, les désirs demeuraient néanmoins inassouvis, car, on ne sait, conséquemment, qui écrivait tellement la rêverie était douce. Un adulte ? Un enfant ? 

Naïve mais vive, passionnée de ce qui bouscule et interroge, l’écriture de ce magnifique roman qui est à la fois objective, innocente et profonde, curieuse et soucieuse de la décadence qui l’entoure, nous fait découvrir plusieurs fragments de notre vie, et dans chacun d’eux, chaque lecteur se reconnaît. De la frivolité à la sagesse, et de la brutalité à la tendresse, en passant par le pessimisme, les dérives, le présentisme et l’éternalisme, l’homme-humain, en persistant et en persévérant, faisait ce qu’il pouvait dans ce monde à la fois permissif et rigide. Des usages qui prévalaient en laissant filtrer la lumière au cœur de l’ignorance, de l’obscurantisme, des abus et dérives du régime en place, des conflits d’intérêt, des négligences par manque de maturité et responsabilité politiques et des multiples servitudes auxquelles étaient attelées nos femmes, ces proies jadis domestiquées, mais émancipées dans la défiance de l’interdit. In Critiques Libres & CritiquesLibres
  • Les lumières de l’ombre

- « Les lumières de l’ombre », Iris

De l’encre noire pour prévenir et beaucoup d’espaces blancs – pour ne pas dire transparents – pour assainir dans ce recueil de réflexions et aphorismes intitulé « Les lumières de l’ombre » d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout. Si tel fut le choix du titre, c’est tout simplement pour permettre, tacitement, aux espaces naturels de se proliférer en accordant beaucoup plus de leur temps à la liberté de l’écosystème afin de maintenir et le respect des convenances et celui de la vie. Et ce, en parallèle avec les pages gobeuses de son auteur et l’esprit de ses lecteurs. C’est dans cette continuité que s’inscrit Iris pour ainsi écarter l’aspect putride et permettre à l’état glorieux de se ressusciter la révolte en soi et la plume comme arme de défense face au réalisme cru qui cloue .

On n’observe ni personnage principal, ni personnages secondaires. La personne impliquée pourrait être vous, comme elle pourrait être moi, et il s’agit bien d’une poésie révélatrice nous incitant à nous révéler. À chacun sa façon d’avertir : la nature d’un côté, et l’âme consciencieuse de l’autre. Iris en est de ceux qui voient non seulement le bout de leur nez, mais plutôt plus loin, et au-delà. La solitude plaît à cet homme. Les marges et les attitudes l’envoûtent. L’effacement pour apercevoir et percevoir d’un œil lyrique l’inspire. Et plus encore, le verbe de démarcation lui colle à la peau. Ce n’est nullement un masque, plutôt un choix d’équilibre d’une conduite intègre face à ce qu’elle reflète. Dès les premières pages, on sentait déjà que les mots choisis et l’espace dans lequel nous évoluions cohabitaient. Tout ce que nous ressentons, l’auteur trouve le mot qui sied. Où tout commence, la fin s’annonce. Rien ne dure. Est-ce un hasard ? Non. De la conscience ? Oui. On découvre de la joie, de l’angoisse et beaucoup de tristesse. Le qualifie-t-on de social, d’écologique ou tout simplement de psychologique, voire de philosophique ? Tout est sagement abordé en tous les cas. L’imprévu associé au désir, et le prévu à l’attente, telle a été l’idée ayant inspiré son auteur dans son réalisme sociologique pour la réalisation de ce magnifique livre poétique et philosophique.

Se retourner sur son passé, admettre le présent et se projeter dans l’avenir. Faire entendre les voix enfouies. Faire apparaître les ombres cachées. Dénoncer les partages inégaux et naître pour exister afin de dépendre et de soi et du monde autour de soi.  L’évidence, l’ambivalence et l’incertitude. La responsabilité des adultes et la frivolité des âges sans âge. La femme, l’homme, le parallèle. La société et la complexité de ce qui émerge : de la démocratie aux penchants idéologiques en passant par la laïcité. Les refuges auxiliaires, la thérapie... Iris interroge le pouvoir des mots. De l’émotion et des attentions. Tout est relatif dans la vie. Il y a des états d’âme. Il y a de l’humeur. Le verbe roboratif qui noie le doute débilitant ouvre au lecteur des pistes de réflexions sur le devenir de son monde, ainsi se qualifie l’auteur dans son recueil de pensées en étant expressif et intrusif. Son objectif est de combattre la linéarité du quotidien pour ainsi échapper à la platitude qu’impose la morne existence. Heureusement que l’espoir se nourrissait en demeurant présent sous la plume lyrique et poétique de son auteur.

Il est, en somme, nécessaire et fécond de lire « Les lumières de l’ombre ». In Critique Livre

- « Les lumières de l’ombre », Iris

La place de l’individu et celle de la planète préoccupent beaucoup Iris. Si la planète a soif, nous, nous aurons faim, et c’est à partir de cette conception philosophique que le recueil de réflexions et aphorismes, « Les lumières de l’ombre » d’Iris,  est né. L’unicité et la complicité du « moi », le poids des jurons et la valeur des pardons, la fidélité du cœur et la générosité de la chair, l’exigüité d’un vide et l’importance d’une présence, la place de la femme et son absence inexpliquée… Des sujets choisis dans son nouveau recueil de telle sorte à ce que cela ait un sens et un enchainement émotionnel  dans ce désordre dans lequel nous pataugeons. Dans l’écriture, tout s’achève sur un titre, d’où celui choisi pour cette publication constellée de fulgurances poétiques. « L’ombre, un nuage gris qui passe / La lumière, le relief d’une trace / Qui, en marquant ses espaces / Cela préserve sa place / Depuis, sans cesse ils s’enlacent / Depuis,  jamais ils ne s’en lassent », écrivait-il.

À chacun sa façon. Iris est celui qui sait baisser le ton de son verbe en cherchant à l’adopter et à l’adapter à l’environnement dans lequel il évolue. L’image nette et le reflet intègre. Ni il n’impose, ni il ne dérange, seulement il propose comme il invite. Du style et de l’intonation qui captivent en murmurant dans l’oreille. De la couleur et de l’innovation qui subjuguent en caressant l’œil et les sens. Des sujets variés et des thèmes divers, à l’image des individus d’une société où tout le monde est différent mais dépendants les uns des autres. L’individuation et l’altruisme caché. L’égoïsme et les manifestations refoulées. Une écriture pleine de sagesse et de philosophie. C’est en lisant entre les lignes qu’on arrive à concevoir que les mots s’interpénètrent sans pour autant se heurter ou se confondre. De la clarté et du sens dans deux mondes parallèles, et il est souvent plausible de trouver un critère efficace d’acceptation, d’intégration et de partage. Tout y est, et l’argumentation rationnelle, et l’objectivité cartésienne. Tellement les sujets sont frappants, poignants et cohérents, on arrive aisément à saisir les interactions multiples de ses univers. Le style et le choix des mots ont autant d’importance que le sens et la profondeur des idées exprimées. Sous la plume pleine de verve de l’écrivain et poète, Iris, la réalité sait exprimer sa nuance, et la subtilité sa clairvoyance.

Sur des éléments irrationnels, il greffe des substituts rationnels. Si un mot se justifie hystériquement pour peser, Iris fait son mea-culpa de l’avoir provoqué. Tels des arrière-plans évocateurs, les pages d’Iris dans leurs éblouissements permanents nous subjuguent par l’intensité et la lucidité de leurs paysages. L’écho qu’elles renvoient alerte et vient freiner la furie débordante des hommes. Plus on avance dans la lecture, plus on découvre à quel point la sensibilité de son lyrisme se dévoile en étant de mèche avec la nature verte qui affleure. Tout y est dans ce fruit mûr et compact : de l’amour pour la vie et de la vie sans amour ; de la femme privée de vie et de sa vie privée de liberté ; des bouleversements climatiques et de l’égocentrisme de l’homme complice ; de la politique sans fondements éthiques et des engagements vains ; de l’âgisme, de l’euphémisme, de l’acculturation et de l’inculture, et de ce qui se transforme et évolue mal ; de la morale et de la justice sociale qui rétrograde…

Les lumières de l’ombre, d’Iris. Éditions Spinelle, 106 pages, 12 euros. In Critiques Libres & CritiquesLibres